Covid-19, star transsexuelle ou hermaphrodite (puisqu’on ne sait plus très bien s’il faut dire « le » ou « la » Covid !) de l’année 2020, a fait et fera encore couler beaucoup d’encre.
Sur ce sujet hélas plus que jamais d’actualité, rares sont les écrits qui sortent du lot. Biopolitique du coronavirus, signé par François Bousquet, rédacteur en chef de la revue Éléments, est une des exceptions qui confirment la règle. Ce feuilleton drolatique et insolent de la pandémie, qui convoque aussi bien Michel Foucault qu’Henri Vincenot (« la voix de l’écologie, réelle, authentique, poétique, si étrangère à l’écologie légale ») ou Molière, n’épargne personne. Ni le gouvernement, « nul sur toute la ligne » et tétanisé par la «hantise du risque », « tout notre arsenal juridique et réglementaire envahissant étant conditionné par cette hantise » ; ni les complotistes («la Covid-19 a déchaîné comme jamais les allumés et les illuminés. Ils sont à 42 °C de fièvre. »). Il énonce aussi des faits sciemment minorès par les médias afin de ne point « stigmatiser l’Autre », comme le rôle joué par l’obésité dans la mortalité. Le coronavirus aura au moins démontré l’impensable, nous dit l’auteur: « Mieux qu’une crise financière, cette crise sanitaire est venue interrompre, certes provisoirement, la dynamique folle du capitalisme et de la mondialisation. Personne n’en aura mieux souligné les déséquilibres structurels. Une panne générale du système deux mois durant – qui dit mieux ! -, qui a entraîné la fermeture des frontières, replacé au premier plan la question de la souveraineté -alimentaire, médicale, industrielle, politique enfin -, celle des stocks stratégiques, de l’arrêt des flux migratoires et du tourisme international qui n’en est jamais que Je revers doré.»
Et de conclure avec une provocante mais réjouissante sagacité : « Le confinement, c’est ironiquement Je retour de la sainte triade maréchaliste dans une variante que les historiens n’avaient pas envisagée […] : « Télétravail, famille, patrie » !
Le Figaro-Magazine / 6 novembre 2020
Jean-Louis Tremblais