Hongrie, République Tchèques, maintenant Pologne… Le « national-populisme » a le vent en poupe !
Karol Nawrocki, candidat du parti polonais Droit et Justice (PiS) du président conservateur sortant Andrzej Duda devrait prendre ses fonctions le 6 août prochain. Une victoire électorale qui pourrait tendre les liens avec Bruxelles tout en alignant plus étroitement la nation polonaise de près de 38 millions d’habitants sur l’administration du président américain Donald Trump. Les dents européistes risquent à nouveau de grincer…
La victoire de M. Nawrocki souligne l’attrait durable de la rhétorique nationaliste pour environ la moitié du pays situé sur le flanc oriental de l’OTAN et de l’Union européenne, ainsi que ses profondes divisions sociales. Cet historien de 42 ans, sans expérience politique, a bâti sa campagne sur des thèmes patriotiques, des valeurs catholiques traditionnelles et la promesse de défendre la souveraineté de la Pologne face à l’UE et à certains gourmands voisin comme l’Allemagne, qui ne se prive pas de puiser allégrement dans la main d’œuvre polonaise à bas coûts. Sa victoire reflète également l’attrait du nationalisme de droite en Europe, où les préoccupations liées à l’immigration, à la souveraineté nationale et à l’identité culturelle ont conduit à cette montée en puissance des partis dits « national-populiste », voire d’extrême droite, ces derniers temps. Ce deuxième tour est venu confirmer les excellents résultats du premier tour de scrutin en Pologne deux semaines plus tôt pour le camp conservateur.
« Choc des civilisations »
De l’autre bord de l’échiquier, l’inquiétude s’amplifie. Comme le rapportait l’experte politique (ça ne mange pas de pain et ça fait cossu dirait Belmondo), Anna Materska-Sosnowska, a qualifié dans un article du site Challenges[1] l’élection de « véritable choc de civilisations. » En effet, les détracteurs du candidat conservateur sont nombreux, à commencer par le président du Conseil des ministres de Pologne, Donald Tusk revenu au pouvoir fin 2023 en promettant de rétablir les relations avec l’UE et de restaurer l’indépendance judiciaire qui, selon Bruxelles, a été érodée par le parti de Nawrocki.
Mais la coalition de Tusk – alliance fragile de centristes, de gauchistes et de conservateurs agraires – a eu du mal à faire passer des promesses clés, notamment une loi sur l’union civile pour les couples de même sexe et une loi moins restrictive sur l’avortement. Comme de juste, le victorieux Nawrocki, qui s’oppose à ces mesures, aura le pouvoir d’opposer son veto à la législation, ce qui compliquera le programme de Donald Tusk et risque de provoquer une impasse politique. De plus, l’élection de Nawrocki pourrait être le signe d’un renforcement des relations entre la Pologne et l’administration Trump. En effet, la Pologne et les États-Unis sont des alliés proches, et 10 000 soldats américains sont stationnés en Pologne, tandis que le candidat Nawrocki était reçu à la Maison Blanche il y a un mois et son administration a clairement indiqué, par d’autres moyens, qu’il était son candidat de choix. Si Karol Nawrocki a exprimé son soutien à la défense de l’Ukraine contre l’agression russe, il n’est cependant pas favorable à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et a remis en question les coûts à long terme de l’aide, en particulier l’aide aux réfugiés.
Sa rhétorique a parfois fait écho à celle de Trump, par exemple en accusant le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy de ce qu’il a qualifié de « gratitude insuffisante » pour l’aide accorder à la Pologne. Face à la lassitude croissante de l’opinion publique concernant l’aide aux réfugiés ukrainiens, l’approche de Nawrocki pourrait faire passer la Pologne du statut d’allié solide à celui de partenaire conditionnel si la guerre s’éternise. Ce résultat de électoral est un gros revers pour l’UE, qui avait accueilli le retour de Tusk en 2023 comme le signal d’un engagement pro-européen renouvelé tandis que le candidat du parti Droit et Justice n’a eu de cesse de dénoncer ce que de nombreux polonais considèrent comme une ingérence excessive de l’UE dans les affaires nationales, notamment en ce qui concerne les réformes judiciaires, la politique sociétale et migratoire. Bien que le président ne contrôle pas la diplomatie au quotidien, les pouvoirs symboliques et le droit de veto de Karol Nawrocki pourraient contrecarrer les efforts de Bruxelles pour ramener la Pologne dans l’alignement des normes de l’Union, en particulier sur les questions d’État de droit. Bien que membre de l’UE, la Pologne possède sa propre monnaie, le zloty, qui s’est légèrement affaibli lundi matin, reflétant les inquiétudes des investisseurs quant à une éventuelle instabilité politique et à un regain de tensions avec les institutions de l’UE.
Photo : Le conservateur Karol Nawrocki. © Tomasz Warszewski / Shutterstock
[1] Pourquoi l’élection présidentielle polonaise est aussi cruciale pour l’Europe