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Claude Chollet président de l’Observatoire du journalisme (Ojim)

La Dilcrah, le délateur public qui fait «croa-croa»

Connaissez-vous la Dilcrah, la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (ouf) ? Ce n’est pas seulement un acronyme barbare, c’est un objet institutionnel barbare, au sens grec du mot, étranger donc. Claude Chollet, président de l’Observatoire du journalisme (Ojim) et collaborateur d’« Éléments », signe aux éditions de la Nouvelle Librairie une brochure de désintoxication, « La Dilcrah, fossoyeur de nos libertés ». Explication de texte.

ÉLÉMENTS : Pourquoi l’exécutif a-t-il créé la Dilcrah ? N’y a-t-il pas déjà suffisamment d’organismes, publics, parapublics et désormais privés (les Gafam), traquant toutes les phobies possibles et imaginables ? Pourquoi un de plus ?

CLAUDE CHOLLET. Sa naissance relève du mystère. Pourquoi Nicolas Sarkozy, en février 2012, à quelques mois de l’élection présidentielle de mai, où il sera battu, crée-t-il ce bidule (qui ne comportait pas de H au début, se consacrant au racisme et à l’antisémitisme) placé sous l’autorité de Claude Guéant, ministre de l’Intérieur ? Pour glaner quelques voix diversitaires ou de la communauté juive ? Toujours est-il que François Hollande la rattache à l’autorité du Premier ministre, puis rajoute le H de la «haine anti LBGT » en 2014, Emmanuel Macron amplifiera ses moyens budgétaires. Au bout du bout, le bidule trouve son application pratique : essayer de frapper d’infamie morale tout individu, groupe, mouvement qui refuse sa politique mondialiste, diversitaire, pro-immigration, etc. La Dilcrah dénonce aux Gafam les contrevenants, les Gafam obtempèrent et suppriment numériquement les coupables. Un système somme toute simple mais efficace. En matière de délation, avec la Dilcrah, les sleeping giants, la commission Bronnet, abondance de biens ne nuit pas.

ÉLÉMENTS : Qu’est-ce qui rend la Dilcrah unique ? Serait-ce qu’elle fait phonétiquement « croa-croa », comme pour indiquer qu’elle est un corbeau, à mi-chemin du délateur public et de l’accusateur public ?

CLAUDE CHOLLET. Rappelez-vous du film magnifique Le Corbeau de 1943 de Georges Clouzot avec l’épatant Pierre Fresnay. Le film est inspiré d’un fait divers réel survenu en 1922, l’affaire de Tulle. Plus ce cent lettres anonymes dénonçaient alors la « mauvaise conduite » de certains, l’adultère des uns, l’enfant naturel des autres. L’auteur, une vieille fille frustrée signait « L’œil du tigre » et ajoutait le dessin d’un corbeau. Le corbeau dénonce un tel qui couche avec une telle alors qu’il est marié, ou celui qui ne braie pas avec le troupeau, mais le corbeau exige aussi la punition par l’intercession du jugement moral de la communauté. La Dilcrah demande bien la condamnation morale des coupables mais aussi leur condamnation en justice. À Tulle, l’auteur révélé par son écriture sera considéré comme irresponsable et finira recluse. N’allons pas jusqu’à cette cruauté pour la Dilcrah, encourageons-la à disparaître d’elle-même au nom de la salubrité publique.

ÉLÉMENTS : Quelle est sa capacité de nuisance et comment cette nuisance se traduit-elle ?

CLAUDE CHOLLET. Appelons la Dilcrah par son nom, croa-croa. Croa-croa a engendré en 2016 les CORA, les Comités Opérationnels de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Chaque département doit avoir son Cora-Cora, présidé par le Préfet, avec pour vice-président le procureur de la République, on voit l’ambiance. La sinistre loi Avia – retoquée par le Conseil constitutionnel – a pour origine une mission de réflexion confiée par croa-croa. La loi partie par la porte va revenir par la fenêtre via le projet de loi sur le séparatisme, imposant de nouvelles normes en matière de « régulation de la haine » aux plateformes en ligne. Croa-croa a proposé que l’on mette les drapeaux en berne lors de la mort de l’Afro-Américain George Floyd en 2020, on ne sache pas qu’elle ait demandé la même chose pour les Européens de souche assassinés. Il y a bien d’autres exemples que je cite dans cette brochure.

ÉLÉMENTS : Comment faut-il comprendre cette « interministérialité » de la Dilcrah ? Cela veut-il dire que la Dilcrah échappe à la tutelle des ministres, un peu comme les commissaires politiques dans feu l’URSS, qui ne répondaient à aucune hiérarchie, sauf à celle de la police politique qui les chapeautait toutes ?

CLAUDE CHOLLET. Pas tout à fait, mais ça y ressemble. Rappelons que le machin est rattaché au Premier ministre, une position haute signifiant son importance. En 2014, c’est un préfet hors cadre, Gilles Clavreul, qui en est nommé responsable. Détail significatif Gilles Clavreul, énarque, avait eu un début de carrière au ministère de l’Intérieur avec Sarkozy et est nommé à la Dilcrah en novembre 2014 par François Hollande. Ses successeurs seront ou nommés préfets pour services rendus ou viendront par la voie préfectorale, celle des serviteurs de l’État. Au printemps 2021, un rapport parlementaire recommande d’amplifier les moyens financiers et punitifs du bidule. Ce rapport est signé par un député LREM et un député LR, membre de « Agir », le mouvement de Valérie Pécresse. Fermez le ban, vous avez tout compris.

ÉLÉMENTS : Comme vous le rappelez, la Dilcra se contentait au départ de dénoncer le racisme et l’antisémitisme ; puis le gouvernement a ajouté un « h » pour haine anti-LGBT. Quelle sera la prochaine lettre, consomme ou voyelle, qui viendra se greffer sur l’acronyme ? La Dilcrah a-t-elle vocation à élargir sans fin le champ de la haine à proscrire et à métastaser en autant de lettres nouvelles, à l’instar de l’acronyme LGBTQIA+ ?

CLAUDE CHOLLET. On pourrait imaginer un S : la Dilcrahs ; le S du salaud de Sartre, alias l’agité du bocal. L’organisme pourrait ainsi faire la chasse à tous les dissidents, tous les salauds qui ont le culot de refuser le système de surveillance de l’oligarchie. J’y vois un avantage, l’acronyme se prononcerait alors « dilcrasse », la dernière syllabe révélant le caractère crasseux, crapoteux, cra-cra de l’institution.

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