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La démocratie libérale ou la liberté surveillée

La démocratie libérale ou la liberté surveillée

En démocratie libérale, la parole est libre, du moins quand elle se conforme à la « bienséance » c'est à dire quand elle se borne à répéter, jusqu'à l'incantation, les dogmes et les clichés du temps. Au-delà, point de salut... Jean Montalte, auditeur de l'Institut Iliade (promotion Léonidas), en a fait l'expérience. Il nous raconte.

Je m’étais laissé dire que la démocratie était le régime qui autorisait l’expression libre des pensées. J’en fus fort ravi avant d’en être marri, constatant qu’il n’en était rien ou plutôt que cette autorisation était de pure forme, à l’occasion d’une polémique qui provoqua chez moi une indigestion prolongée. Les largesses accordées au discours ne semblaient s’étendre qu’au cercle étroitement circonscrit des opinions majoritaires, au nombre desquelles il faut compter le féminisme. Ce fut justement ce courant d’opinion qui, contesté dans certains de ses aspects sinon dans ses fondements mêmes, suscita l’ire de mes opposants dont les bonnes intentions libérales étaient proclamées avec vigueur en préambule. Mais vous devinez le sort de ce genre de préambules…

Cette conversation à bâtons rompues se déroula lors d’un repas, au travail. Le détail des menues péripéties qui menèrent à l’algarade importent peu. Mais disons qu’il fut reproché au seul homme présent dans la pièce de jouir d’un repas confectionné par sa femme, perpétuant ainsi une oppression insoutenable et plurimillénaire. Le riz était bien cuit et la sauce au champignon délicieuse, heureusement ! Je contestais vertement le droit du féminisme de régenter jusqu’à ma vie privée, dans ces termes mêmes et c’est ainsi que la pente du blasphème devait être dévalée entièrement. Le patriarcat blanc était incriminé jusque dans mon assiette et j’eus beau sous-entendre que l’homme blanc les emmerdait des couches profondes de la terre jusqu’au firmament, il me fallut me défendre avec force arguments.

Reductio ad Iranum

Seulement mes opposantes en conclurent que je serais plus heureux en Iran. Ce fut l’occasion d’une polémique dans la polémique puisque je soutins qu’il n’en était rien, non par soutien au féminisme mais par amour de la civilisation européenne et de ses mœurs. J’avais ajouté au machisme le fascisme sans m’en rendre compte, oubliant que le gauchisme était un tout indissoluble. C’est alors que les anguilles se firent jour. Elles déplorèrent mon incompréhension du terme « civilisation » puisque selon elles, il n’en existe qu’une : la civilisation humaine. Propos hardi puisque s’il n’en existe qu’une et qu’il n’y a aucune différence entre les peuples, elles seraient tout aussi heureuses en Iran qu’en France, selon leur propre argumentation. Et ipso facto, le culte de la diversité dont se prévalent ces personnes n’auraient tout simplement pas lieu d’être puisque cette diversité semble niée au préalable.

Pour tout dire, démêler cet écheveau de contradictions aurait pris des heures, et l’anguille frétillante aurait persévéré dans sa fuite. Le gauchisme est une anguille, c’est une pente glissante, et qui l’emprunte doit s’attendre à congédier morale, bon sens, vérité et logique. Alors, il fut dit tout à trac que la conversation ne pouvait se poursuivre avec un tel énergumène. J’osai une dernière offensive : « On n’est pas sur France Inter ici, et la gauche n’a pas à me dire ce que je dois penser ni comment je dois manger. » Cette déclaration d’indépendance suffit à clore le débat.

En somme la démocratie vous autorise à tout dire, à vous exprimer librement. Et par cette déclaration, vous devez comprendre que fermer votre gueule est une prérogative morale, une exigence minimale de discrétion. Au mieux, vous aurez la possibilité d’avancer quelques arguments. Mais rassurez-vous personne n’en tiendra compte et on fera ce qu’il faut pour que le cours des choses n’en soit perturbé aucunement. La parousie du gauchisme intégral doit advenir, en dépit des quelques réfractaires dont les idées ne sont que des soubresauts anté-dialectiques d’un monde dépassé.

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