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Jean-Paul Demoule

Jean-Paul Demoule, chasseur de nazis dans la préhistoire reçoit le prix Roger-Caillois

Jean-Paul Demoule a un projet, un seul, qui entre en résonance avec l’époque et lui vaut tous les éloges : démythifier le grand récit européen, d’une part ; et déconstruire le roman national, d’autre part.

Une fois de plus, Jean-Paul Demoule est à l’honneur. Le prix Roger-Caillois de l’essai lui a été décerné pour son pesant pavé Mais où sont passés les Indo-Européens ? Aux origines du mythe de l’Occident (Seuil, 2014). Naguère seulement révisionniste, l’archéologue a monté en grade dans le cursus honorum universitaire : le voici désormais élevé au rang de négationniste en chef des études indo-européennes.

Promoteur en France de l’archéologiquement correct, appa-ratchik installé à demeure dans toutes les coteries universitaires, ex-patron de l’Inrap (Institut national de recher-ches archéologiques préventives), Jean-Paul Demoule traque l’odieuse « bêêêête immonde » dans la protohistoire. Il y a apparemment fort à faire ! Son dernier forfait, Mais où sont passés les Indo-Européens ? Aux origines du mythe de l’Occident (Seuil, 2014), qui avait déjà bénéficié d’une campagne médiatique dithyrambique (écouter et lire iciici et ), vient de se voir décerner le prestigieux prix Roger-Caillois de l’essai 2015. Pauvre Caillois ! Passé de Bataille et Borges à ce sinistricule foutriquet !

L’archéologue qui fait la leçon aux linguistes

Jean-Paul Demoule a un projet, un seul, qui entre en résonance avec l’époque et lui vaut tous les éloges : démythifier le grand récit européen, d’une part ; et déconstruire le roman national, d’autre part. Il s’y applique avec un zèle tout soviétique. Sa thèse, sommaire et expéditive en diable, tient en un mot : les Indo-Européens n’ont jamais existé. Circulez y’a rien à voir ! Ceux qui se penchent depuis deux siècles sur l’histoire des langues et des cultures indo-européennes, qui cherchent à en localiser le foyer d’origine et à en étudier le rayonnement, ne s’occuperaient donc que d’un fantôme en chemise brune rodant lors des congrès de Nuremberg dans les années trente. Ne se sont-ils pas engagés dans cette voie que pour dissuader les Européens d’aller rechercher leurs origines dans la Bible, préparant l’avènement du Führerprinzip et des camps de la mort ?

Dans les colonnes d’Éléments n°155, Jean Haudry, linguiste et professeur de sanskrit, a fait un sort à l’aspect scientifique de ce pesant pavé (700 pages !), qui recycle un mélange de polémiques politiques resassées, basées sur une collection hétéroclite de vieilles fiches de police recopiées ici et là, et d’affirmations d’apparence scientifique qui font sourire les vrais chercheurs. Jean-Paul Demoule est un archéologue. Qu’il se mette en tête de dicter à des linguistes, spécialistes des études indo-européennes ce que devrait être leur méthode de travail fait un peu penser à un professeur de médecine qui chercherait à régenter l’activité des spécialistes de physique théorique. Mais rien n’arrête Demoule. Il s’est mis en tête de prouver que l’Europe ne saurait avoir d’origine qui lui soit propre ? Rien ne lui fait plus peur que le démon des origines.

La réponse de Jean Haudry aux négationnistes 

Pour Jean Haudry, on passe avec ce livre «de la science au flicage et à la dénonciation, non seulement des mal-pensants, qui en ont l’habitude, mais même des bien-pensants suspects ou déviants». Le témoignage de Jean Haudry sur son maître Émile Benveniste

« Les choses se gâtent pour l’auteur quand il nous apprend (p.157) qu’Antoine Meillet, coupable d’avoir défini l’indo-européen reconstruit comme une « langue de chefs et d’organisateurs imposée par le prestige d’une aristocratie » était un « républicain progressiste » : à qui peut-on se fier ? Pis encore, Émile Benveniste « ancien élève d’une école rabbinique » a rédigé un texte dont l’auteur dénonce (p.155) « la proximité idéologique avec les représentations aryennes de l’Allemagne pré-nazie et nazie. » Pas moins ! On apprend par la suite qu’il était communiste, ce dont je ne m’étais jamais aperçu au long des années pendant lesquelles j’ai suivi ses enseignements au Collège de France et à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Que j’ai fréquenté dans mon enfance une école bien différente de la sienne, et me sois dirigé par la suite dans une direction politique diamétralement opposée, n’a jamais altéré mon admiration pour ce maître auquel je dois tant, ni ma reconnaissance pour l’appui qu’il m’a apporté à mes débuts dans la carrière universitaire. La passion idéologique de l’auteur l’aveugle au point de ruiner sa démonstration : quand on lit sur la quatrième de couverture que l’hypothèse indo-européenne serait « un mythe d’origine, celui des Européens, qui les dispenserait de devoir emprunter le leur aux Juifs et à la Bible », on se demande ce que viennent faire dans cette galère le « républicain progressiste » et l’« ancien élève de l’école rabbinique », Mais le plus cocasse est que l’idée comporte une part de vérité, gênante pour l’auteur. Si la constatation, remontant au XVIe siècle, de ressemblances entre les langues indo-aryennes et les langues classiques, a mis plus de deux siècles à être prise en considération, c’est effectivement parce qu’elle se heurtait à la conception officielle, celle de l’Eglise catholique, d’une filiation hébraïque des langues et de la culture de la chrétienté. On croyait alors que, comme les langues romanes du latin, le latin descendait du grec et le grec de l’hébreu. Il a fallu que l’autorité de l’Eglise fût sérieusement ébranlée pour que l’idée, qui au XVIIe siècle, avait fait son chemin parmi les « libertins » (on dit aujourd’hui les libres-penseurs) avec la « théorie scythique », ancêtre de celle des « Kourganes », s’imposât chez les spécialistes, puis dans le public. Mais ce faisant, l’auteur se range dans le camp des dévots hostiles aux Lumières et rejette ses contradicteurs dans le camp opposé, qui triomphe avec la Révolution !»

Lire la suite dans Éléments n°155.

Jean-Paul Demoule avait déjà été en première ligne dans l’offensive contre « nos ancêtres les Gaulois » (expression qui a l’inconvénient, on l’a compris, de conférer une dimension ethnique aux origines de la France). Avec On a retrouvé l’histoire de France. Comment l’archéologie raconte notre passé (Robert Laffont, 2012), il avait d’ailleurs signé un cas d’école révisionniste. De la première à la dernière page, l’auteur y versait dans ce que Lucien Febvre, le père de l’école des Annales, a appelé « le sacrilège de l’anachronisme » – péché contre l’esprit de l’histoire. Au prétexte de remettre l’histoire à l’endroit, il nous livrait un manuel d’endoctrinement maoïste paré des dernières découvertes de l’archéologie. Sa mission ? Prouver que « la France fut en permanence une terre d’immigration ». La jolie fable ! « Le premier “Français” fut un émigré » [sic], de la famille des Homo habilis et Homo erectus ; pareillement du second [re-sic], Homo sapiens de son état. En somme, dès les origines, « nous étions déjà des métis » [re-resic] ! Au fond, Vercingétorix et les tribus gauloises, c’était déjà SOS Racisme. Et les Indo-Européens, des migrants fuyant des tyrannies fascistes ! No pasarán ! Chapeau, le clown !

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