Le magazine des idées
Olivier Amiel

« Hyper ! Hyper ! » d’Olivier Amiel – Requiem pour la génération X

Mieux qu’un essai, un reportage ou un article, le roman offre la possibilité de l’incarnation ; des idées prennent chair, l’air du temps se dévoile, sans avoir besoin d’explications techniques ou de longs développements. La France périphérique a eu ses essais (Christophe Guilluy, Pierre Vermeren, Jérôme Fourquet…) dans lesquels l’évolution de la sociologie des villes moyennes et de la France déclassée était détaillée ; elle a eu son prix Goncourt (le roman de Nicolas Mathieu, « Leurs enfants après eux »), elle a désormais son anti-épopée : « Hyper ! Hyper ! » d’Olivier Amiel, aux Presses Littéraires.

Hyper ! Hyper ! (à prononcer aïe-peur aïe-peur, titre du groupe d’Eurodance allemand Scooter) décrit le quotidien de quatre jeunes de le génération X nés à la toute fin des années 70, loin des grandes métropoles, de leur adolescence à la fin de leur jeunesse (2021).

Ados des années 90, fruits de leur époque, abreuvés de télévision et de radios libres, ils ont grandi avec le Club Dorothée et Ciel, mon mardi, au son de l’électro et du grunge, vécu leur sexualité́ avec le sida en toile de fond, assisté à la fin de l’Histoire et à l’explosion du chômage, connu l’avènement d’Internet à l’âge adulte. Le narrateur se remémore des tranches de vie banales avec nostalgie – sa jeunesse insouciante, passée à discuter avec ses amis, écouter de la musique, à faire la fête entre alcool et banalisation des drogues – et ressentiment.

« Tous nos rêves étaient possibles dans un monde de plus en plus petit, accessible, global et sans frontières. La réalité nous a vite rattrapés. »

Un boulot merdique (manutentionnaire pour un marché de gros), pas de relations amoureuses stables, ni enfants, ni famille, ni projets, ni perspectives, ni dignité. Le parcours du narrateur de l’adolescence à sa vie d’adulte est commun à beaucoup, coincé entre bourgeoisie prétentieuse et immigration massive, subissant bouleversements sociaux, économiques et démographiques. Atavisme, apathie, nonchalance, déclassement, la vie de ce Blanc moyen de province suit son cours « le cul bien vissé dans la merde », au risque de se transformer en bombe humaine… le désir de vengeance comme seul horizon.

La musique comme marqueur social

Le roman s’étend de la sortie de l’enfance à la fin de la jeunesse du narrateur, trente années accompagnées par la musique techno, bande-son du roman et de l’amitié des quatre personnages. Trente années symbolisées par les débuts de Daft Punk en 1993 et dont la séparation en 2021 scelle la fin de la jeunesse de cette génération coincée entre les boomeurs jouisseurs sans entraves et les millennials.

« Notre musique n’a jamais collé et encore moins aujourd’hui avec le discours dominant multiculturel […] le public était trop marqué “Petits blancs”, c’est vite devenu insupportable pour les chantres de la diversité. »

La musique Techno est omniprésente dans le roman, mais pas n’importe laquelle : l’Eurodance des années 90, soit Corona, Culture Beat, Pleasure Game ou encore Dr Alban. Méprisée par l’intelligentsia snobinarde parisienne, raillée par les revues spécialisées pour ses paroles absconses, ses rythmes répétitifs, qualifiée de musique commerciale, pour fêtards et boîte de nuit… Bref, trop populo, pas assez élite, « un truc de ploucs blancs ».

Hyper ! Hyper ! Juste à côté du cœur, histoire d’une génération déclassée dans une France méprisée est sortie aux Presses Littéraires en août 2023.

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