La lettre signée de la main de Robert Badinter, que nous reproduisons, est datée du 21 avril 1980 (une date prédestinée ?). Son destinataire, François Romério, alors à la tête de l’association Légitime défense forte de quelque 80 000 adhérents, l’a faite circuler à l’époque.
Robert Badinter, qui n’était pas encore garde des Sceaux, mais déjà fervent abolitionniste, répondait à François Romério. D’une étonnante liberté de ton, sa réponse vaudrait aujourd’hui à son auteur d’être poursuivi, sinon par les tribunaux, du moins par les journalistes. Qu’on en juge :
« Pour des raisons objectives que nous connaissons bien, la proportion de délinquants est plus forte chez les immigrés, notamment d’origine nord-africaine ou africaine, que parmi les Français insérés au sein de leur communauté nationale. » Et d’ajouter que « des tensions raciales » sont inévitables dès lors qu’on en appelle à la répression.
Le racisme des Lumières
Rappelons aux plus jeunes qui était François Romério. Partisan de la peine de mort, il aimait à citer Mao : une tête coupée ne repousse pas. Dans une autre vie, il avait été le premier président de la très expéditive Cour de sûreté de l’État (ce qui faisait de lui le deuxième magistrat de France), une Cour d’exception que Mitterrand et Badinter aboliront en 1981.
Romério avait depuis longtemps pris sa retraite pour se consacrer à l’association Légitime défense, qu’il avait créée, offrant ses services aux victimes démunies. Légitime défense fut souvent traitée de « raciste » par ses adversaires, ce qui indignait son gaulliste de président, torturé par les Japonais en 1945.
Comme on le peut le lire dès les premières lignes, Robert Badinter, qui ne chassait pas en meute, se démarquait de ses amis socialistes, blanchissant Légitime défense de l’accusation de racisme.
Autre temps, autres mœurs ?
Qu’en pensent Élisabeth Badinter et ses enfants ? Et que vaut un hommage national où les 23,15 % d’électeurs de Marine Le Pen et les 21,95 % de Jean-Luc Mélenchon sont bannis ? Autrement dit où le peuple de France est exclu, comme il l’a été par les socialistes à partir du tournant en 1983, ainsi que nous l’écrivions dans notre série consacrée à la gauche caviar : « Les Badinter, la gauche anti-bling bling ». « Avec eux, s’éteignent les derniers feux de la gauche des Lumières. Leur seul problème, c’est qu’ils n’ont jamais vu le peuple. Ils en parlent comme s’ils étaient des fermiers généraux, mais nous ne sommes plus au XVIIIe siècle. » Sauf pour la famille Badinter.