Le titre dit tout. Ou : Comment une jeune fille, myopathe, décide de devenir reine de France, de nos jours…
L’argument laisse craindre le pire, a priori : un roman un peu niais, avec sa touche (mortelle) d’eau de rose.
Détrompez-vous. Il n’en est rien.
Et c’est là, d’abord, sur ce plan, que se manifeste sans doute, de la manière la plus étonnante, le talent de conteuse d’Hélène Raveau. Le roman, ou plutôt la fable, n’a rien de gniangnian. C’est un roman mené de main de maître, d’une plume assurée. Il constitue le digne pendant féminin du roman Sire de Jean Raspail, servie par une langue d’une richesse chatoyante.
La première partie brosse le tableau d’une famille catholique, dont une maison située à St Malo constitue le pivot, donnant lieu à un tableau au goût iodé de vacances en bordure de mer. Cette première partie se lit comme on tourne les pages d’un album de photos, l’esprit transporté par la nostalgie et les souvenirs. C’est aussi un récit de formation et d’éducation, pour les jeunes personnages, ponctuée de symboles et mû par une subtile progression conduisant au hiatus central : la décision, mûrement réfléchie, de l’héroïne de se faire sacrer reine de France.
Épiphanie d’une reine
C’est alors qu’on redoute le récit qui s’annonce. On a tort. À partir de là, Hélène Raveau déploie un art unique, qui pourrait s’apparenter à de la féérie, s’il n’était lesté d’une conscience aiguë de la situation de la France d’aujourd’hui, avec son immigration galopante, sa violence au quotidien, sa veulerie assumée. Bref, Hélène Raveau parvient avec une habileté remarquable à rendre l’improbable, l’inimaginable, crédible, avec un sens parfait du réalisme. Il est des pages d’une beauté extrêmement émouvante, tandis que d’autres, par l’écho sombre et profond qu’elles font résonner en nous sont d’une élévation tragique, unique, comme lorsque l’héroïne se rend seule en la basilique de Saint-Denis, après son sacre en la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Au fil de chapitres brefs qui forment comme autant de nouvelles, le roman d’Hélène Raveau emporte et convainc par son réalisme fantastique, sa beauté, sa parfaite maîtrise du sujet. Il a de surcroît la vertu de convoquer une forme d’espoir au plus profond de l’abîme, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites.
Hélène Raveau, Une reine et rien d’autre, Éditions Ovadia, 336 p., 22 €.