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Ukraine

Guerre russo-ukrainienne : suivre la situation militaire

Spécialiste militaire d’Éléments et fondateur des éditions Le Polémarque, Laurent Schang suit au jour le jour l’état d’avancement du conflit russo-ukrainien. Voici un point de situation au 6 mars 2022, à J+12. Pour y voir clair malgré le brouillard de la guerre.

Nuit du 23 au 24 février 2022

– Début de « l’opération spéciale » des forces armées de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Trois points d’entrée : nord, nord-est et sud, quatre fronts séparés + un cinquième, les deux républiques du Donbass, Donetsk et Louhansk. Les moyens déployés et sa rapidité d’exécution prouvent qu’il s’agit d’un plan d’invasion à grande échelle mûrement réfléchi.

– Dès les premières heures de l’attaque, les forces russes s’emploient à réduire les éléments de l’armée ukrainienne positionnés dans et autour des républiques du Donbass.

25 février (J+1)

– La centrale nucléaire de Tchernobyl, située à la frontière avec la Biélorussie, est sécurisée.

– Un axe de pénétration principal N-S se dessine, avec l’approche rapide d’une puissante colonne en provenance de Biélorussie et se dirigeant vers Kiev, soutenue par une deuxième colonne lancée plus à l’est, dans le secteur de Koursk (quatre armées : 35e, 36e, 41e, 20e). La pointe de l’attaque russe est déjà au contact avec l’armée ukrainienne aux abords de Kiev.

– L’idée du haut commandement russe semble être (1) de vouloir envelopper la capitale ukrainienne par les deux côtés, est et ouest, et (2) d’éliminer un maximum de forces ennemies dans les provinces de Tchernihiv (80 km) et Soumy (230 km), pour libérer le passage vers Kiev et vers Kharkiv, la deuxième ville du pays, 300 km plus à l’est.

– Kharkiv, dont le siège (3), conduit par la 1re Armée blindée de la Garde (1re ABG), a commencé.

– Au sud de l’Ukraine (4), entrée des troupes russes par l’isthme de Perekop (Crimée) + des assauts amphibies depuis la mer d’Azov (trois armées : 22e, 58e Ouest, 58e Est). Deux axes de pénétration : NO direction Kherson, passage obligé sur la route Mykolaïv-Odessa ; NE direction Marioupol et la région du Donbass. Prendre Marioupol signifierait sécuriser le couloir terrestre Crimée-Rostov le long de la côte de la mer d’Azov.

– Pour l’heure, dans les deux républiques du Donbass (5), la 8e Armée stationne au nord de Louhansk et la 4e Armée au sud de Donetsk. Si jonction il y a avec les troupes russes arrivant du nord (3+5), un chaudron se créera automatiquement, dans lequel les forces ukrainiennes présentes se retrouveront enfermées.

26 février (J+2)

– Les opérations de nettoyage se poursuivent aux abords des villes cernées. Kiev est débordé par l’ouest, Kharkiv par l’est et par l’ouest. Tactique adoptée : sécuriser un large périmètre autour des villes (chaudrons) et avancer vers le centre par les artères principales.

– Les forces armées ukrainiennes refluent du Donbass vers Dnipropetrovsk (350 km à l’est de Kiev) pour échapper à la tenaille que pourrait former la double offensive débouchant du NE (Kharkiv, 1re pince) et du sud (ligne Donetsk-Zaporijjia, 2e pince).

27 février (J+3)

– Pause dans les opérations autour de Kiev.

– Le long de la frontière NE, les villes de Tchernigov, Konotop, Sumy, Kharkiv sont encerclées ou en voie de l’être. Idem pour Kherson au sud et pour Marioupol au SE.

– Le tactique consistant à isoler les villes sans y pénétrer semble se confirmer. Bombardements terrestres et aériens limités. Explications possibles : éviter les combats urbains, coûteux en hommes et en munitions ; prévenir la population (création de couloirs humanitaires) ; forcer les autorités locales à ouvrir la ville ; limiter les destructions pour l’après-guerre.

28 février (J+4) 

Pas d’évolution significative signalée.

1er mars (J+5)

– Au sud, Kherson est occupé.

– Au SE, début du bombardement des infrastructures civiles de Marioupol.

– Au NE, faibles gains territoriaux à Kharkiv et reprise des bombardements aériens sur la ville. Les observateurs notent que l’aviation russe (500 appareils répertoriés) est restée jusqu’ici peu active dans le ciel ukrainien.

– Les conditions pour la formation d’un chaudron stratégique Kherson-Kiev (ligne de partage NS du pays) semblent à présent réunies.

2 mars (+6)

– Après une pause de 72 heures ordonnée pour réapprovisionner et renforcer les effectifs, l’investissement de Kiev reprend, par le nord et par l’ouest. Toujours pas d’assaut frontal en vue.

– À Kharkiv, les attaques au sol alternent avec les bombardements. Concentration de forces signalée à l’ouest et à l’est de la ville (même schéma qu’à Kiev).

– Marioupol cerné. Bombardement des infrastructures civiles. Tactique du « Capitulez ou vous serez détruits. »

– Kherson en passe d’être bouclé, la poche de résistance autour de la ville se réduit.

3 mars (J+7)

– La résistance de Chernihiv et Sumy complique l’investissement de Kiev, qui se poursuit par l’ouest (éléments de la 36e Armée signalés à Zhytomyr, à 70 km à l’ouest de la capitale).

– La progression vers le centre de Kharkiv se poursuit.

– Lente progression vers Mykolaïv, sur la route Kherson-Odessa. Pas de gain de terrain majeur.

– L’armée russe avance mais ce n’est pas une guerre-éclair.

– Les premiers RETEX montrent un manque de coordination interarmées côté russe : dispersion des forces sur trois axes au sud et emploi privilégié de groupes tactiques interarmes (GTIA :120 au total contre 40 ukrainiens) au niveau du bataillon (400-600 h), pas plus. Pas de concentration = pas d’effet décisif. Résultat, la jonction NE-SE (Kharkiv-Louhansk) n’est pas achevée. Ici comme ailleurs, les moyens engagés semblent insuffisants. Des renforts sont annoncés.

– Premiers chiffres : entre 500 et 1000 militaires tués de part et d’autre, 1500 à 3000 blessés. Véhicules de combat de tous types endommagés ou perdus : 529 côté russe, 180 ukrainiens, chiffres invérifiables.

– Autre source de questionnement, la supériorité aérienne russe est toujours contestée. Défaut de planification ?

4 mars (J+8)

– Reprise de l’offensive russe en direction d’Odessa.

– La centrale nucléaire de Zaporijjia passe sous contrôle russe (l’Ukraine en compte quinze).

– Fin des combats pour Sumy, reprise de l’encerclement de Kiev par l’est.

– Une partie de leurs forces engagées à Kharkiv envoyées soutenir d’autres efforts, les Russes desserrent leur étau autour de la ville.

– L’infanterie navale russe stationne au large d’Odessa (pour un assaut amphibie ?).

– La sécurisation de Mykolaïv se poursuit.

5 mars (J+9)

– Aucune offensive majeure signalée.

– La jonction entre les forces en provenance de Kharkiv et celle arrivant de Louhansk semble proche.

6 mars (J+10)

– L’armée ukrainienne est toujours active au sol (Marioupol, Tchernihiv, Mykolaïv) et dans les airs, avec des dommages conséquents pour l’armée russe.

– Les encerclements se poursuivent à Kiev (envoi de nouvelles unités), Kharkiv, Marioupol.


Sources : dailymail.com, Institute for the Study of War, lavoiedelepee.blogspot.com, southfront.org

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