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Guerre en Ukraine. Centre commercial endommagé par des bombardements le 21 mars par une attaque russe à Kiev, où, selon les services d'urgence, au moins six personnes sont mortes

Guerre russo-ukrainienne à J+33 : front du Donbass, véritable objectif stratégique russe

L’armée ukrainienne du Donbass fait retraite sous les coups de l’aviation pour échapper à son encerclement (couloir Dnipro-Kharkiv). Spécialiste militaire d’« Éléments », Laurent Schang suit au jour le jour le conflit.

25 mars (J+29)

– Interrogations sur la suite des opérations à Kiev et Kharkiv, qui semblent s’essouffler de part et d’autre. Plus ou moins verrouillées et sous la menace constante des tirs indirects de l’artillerie russe, les deux villes n’apparaissent plus comme des objectifs prioritaires pour les stratèges de Moscou.

– L’objectif opérationnel : la démilitarisation de l’Ukraine, reste de mise avec la poursuite des frappes ciblées sur les infrastructures militaires ukrainiennes.

– L’état-major russe officialise la mort de 1351 militaires et le rapatriement de 3825 blessés. Dans le même temps, Kiev annonce 15 600 soldats russes tués (10 000 pour la presse occidentale), tandis que Moscou estime à 30 000 le nombre de militaires et paramilitaires ukrainiens mis hors de combat. Des chiffres pour l’heure invérifiables : les Russes ont intérêt à minimiser leurs pertes, les Ukrainiens et leurs soutiens étrangers à les maximiser.

26 mars (J+30)

– Lancés depuis la mer Noire, plusieurs missiles de haute précision ont atteint leurs cibles : à Lviv (ouest de l’Ukraine), où un important dépôt de carburant a été détruit – images spectaculaires –, et à Vinnytsia (200 km au SO de Kiev), où le centre de commandement des forces aériennes ukrainiennes a été touché (détruit ?).

– Contre-attaques limitées des forces ukrainiennes depuis le sud à Zhytomyr, Kiev, Kharkiv, et sur la ligne Mykolaïv-Odessa. Beaucoup de publicité dans les media occidentaux, mais que sait-on de la marge de manœuvre réelle des FAU ? Qui les commande et quelles sont leurs réserves ? Kherson, les secteurs de Tchernihiv et de Soumy, la région de Zaporijjia et celle d’Izioum sont sous le contrôle de l’armée russe.

– Pas de mouvement signalé autour de Kiev. Le siège de la capitale ukrainienne, présenté par le chef des opérations de l’état-major général russe, le général S. Rudskoï, comme un abcès de fixation ayant rempli son office, la priorité est donnée désormais au front du Donbass, le véritable objectif stratégique de l’ « opération militaire spéciale ». Les analystes occidentaux crient à l’enfumage : pourquoi utiliser (et user) 5 armées au N et au NE si Kiev n’était qu’une diversion ? Pourquoi, si les Russes savaient que le gros des FAU était en réalité concentré dans le Donbass (désigné par Rudskoï comme le centre de gravité de l’opération), avoir attaqué sur 4 fronts au lieu de diriger contre elles un poing blindé puissant, rapide et doté d’un solide appui aérien ? Réponses possibles : la précipitation ; la sous-estimation et de l’adversaire et de ses propres faiblesses ; les inévitables « frictions » dont parlait Clausewitz, quand la théorie se confronte à la pratique. Ici, le fait que les Ukrainiens aient opposé une vive résistance au N (ce qu’ils continuent de faire) et qu’ils n’aient pas reflué du Donbass pour défendre la capitale. Quoi qu’il en soit :

– Progression des Russes en provenance d’Izioum et en direction de Slaviansk. Tirs de missiles balistiques Iskander sur les forces ukrainiennes regroupées à Barvinkove (200 km à l’ouest de Louhansk).

– Progression continue des Russes sur la ligne Kherson-Melitopol-Marioupol malgré plusieurs contre-attaques ukrainiennes. 4 brigades encore dans la région ?

– La poche du Donbass (le chaudron de Kramatorsk) se referme de jour en jour : par le nord depuis Izioum, par le sud depuis Donetsk.

27 mars (J+31)

– Deux points de vue opposés : 1) l’armée russe a été incapable d’atteindre son objectif : occuper Kiev (accessoirement aussi Kharkiv, Tchernihiv et Soumy – Marioupol est toujours le théâtre d’affrontements), transformée en leurre par un état-major russe désarçonné par la situation ; 2) l’armée russe préfère contourner les centres urbains plutôt que les occuper. Les Russes font la guerre et négocient en même temps. Moscou pense déjà à l’après-guerre, or Moscou n’a jamais exigé de capitulation sans condition et on ne négocie pas avec un pays rasé.

– Secteur ouest de Tchernihiv sous contrôle russe.

– Multiplication des actions de guérilla sur les grands axes : H07, E95, E101.

– Annonce par Kiev de la mort d’un 7e général russe, I. Rezantsev, commandant la 49e Armée, dans la région de Kherson. Aucune communication de Moscou à son sujet. Imputées au système de télécommunication défaillant de l’armée russe (le système chiffré Era), qui les obligerait à utiliser des téléphones civils faciles à localiser par l’ennemi, la mort des généraux russes au combat reflète aussi un mode de commandement jugé obsolète et contreproductif par les armées de l’Otan mais héroïque par la majorité du peuple russe (voir le nombre de généraux soviétiques tués durant la Grande Guerre patriotique).

28 mars (J+32) :

– Frappes aériennes nocturnes massives sur plusieurs sites militaires ukrainiens à travers le pays. Missiles de croisière Kalibr lancés notamment depuis la mer Noire sur la région de Zhytomyr (distante de 400 km).

– Activité russe réduite autour de Kiev. Reconquête d’Irpin mais 4e brigade de la Garde nationale ukrainienne anéantie à Gostomel. Réorganisation du siège (35e A. repliée en Biélorussie). Des redéploiements sont à prévoir sur les fronts NE et E.

– Nouveaux tirs de missiles de croisière de haute précision sur un dépôt de carburant à Rovno (région de Kiev). Les infrastructures militaires ukrainiennes largement démantelées, que reste-t-il des FAU ? Sur les images, beaucoup de matériel récupéré sur l’ennemi. Si la guerre se poursuit, on peut penser qu’elles seront réduites à des unités d’infanterie légère motorisées, quelques-unes mécanisées. On ne parle plus guère ni des volontaires étrangers ni des livraisons d’armes occidentales. Sont-elles interrompues ?

29 mars (J+33)

– Kharkiv laissée à l’artillerie (6e A.), les forces russes continuent de pousser le long de la ligne Izioum-Barvinkove-Slaviansk.

– L’Armée ukrainienne du Donbass retraite sous les coups de l’aviation russe pour échapper à son encerclement (couloir Dnipro-Kharkiv). Offensive conjointe en direction de Gorlovka. Frappes ciblées autour de Dnipro.

Guerre russo-ukrainienne : suivre la situation militaire (23 février – 6 mars)

Guerre russo-ukrainienne à J+13 : la pression s’accentue sur Kiev (7 mars – 8 mars)

Guerre russo-ukrainienne à J+15 : l’assaut de Kiev et contre-attaques (9 mars – 10 mars)

Guerre russo-ukrainienne à J+19 : l’armée russe maintient sa pression sur tous les fronts (11 mars – 14 mars)

Guerre russo-ukrainienne à J+22 : les forces russes continuent d’avancer au ralenti (15 mars – 18 mars)

Guerre russo-ukrainienne à J+26 : Le méridien 29 une ligne stratégique (19 mars – 22 mars)

Guerre russo-ukrainienne à J+28 : Côté russe, on improvise et puis on voit ? (23 mars-24 mars)

Sources : dailymail.com, Institute for the Study of War, lavoiedelepee.blogspot.com, southfront.org, @war_mapper, oryxspioenkop.com, Ministère des Armées, Sim Tack, lecourrierdesstrateges.fr, mars-attaque.blogspot.com

© Photo Drop of Light : centre commercial endommagé par des bombardements le 21 mars par une attaque russe à Kiev, où, selon les services d’urgence, au moins six personnes sont mortes.

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