ÉLÉMENTS. Vous faites partie des premiers militants de la ND et êtes l’un des piliers de la revue Éléments. Pouvez-vous évoquer en quelques mots le « lancement » de celle-ci ? Qu’est-ce qui l’a motivé, avec quels moyens, dans quel objectif ?
GÉRARD LANDRY : J’ai adhéré au GRECE en 1971 et donc suivi avec intérêt le projet de Jean-Claude Valla, Michel Marmin et Alain de Benoist. Le premier exemplaire d’Éléments pour la civilisation européenne est daté « sept-oct 1973 ». Bimestriel, il est publié par l’association GRECE, Groupement de Recherche et d’Études pour la civilisation Européenne. 12 pages sur une maquette originale réalisée par un graphiste du groupe de presse d’Alain Lefebvre. L’éditorial de Robert de Herte, pseudonyme que gardera Alain de Benoist jusqu’en 2015, donne le ton. Une bonne partie du journal est consacrée aux informations sur les activités du GRECE (dans les pages centrales, le bulletin d’abonnement est près du bulletin d’adhésion à l’association). En plus d’un journal d’informations sélectionnées dans une vision du monde, une sensibilité et une ouverture qui lui sont restées propres, Éléments devient un lien très important entre les unités régionales, les militants et les adhérents dispersés en France et en Europe. Dès 1976, la pagination augmente et une couverture en couleur illustre souvent le dossier principal. Trimestrielle, éditée dorénavant par une société commerciale, Éléments pour la civilisation européenne est surtitrée « la revue de la Nouvelle Droite » de 1981 à 1985 . La fin des années 80 sera plus difficile. Mais la revue ne cessera jamais de paraître jusqu’à ce que je considère comme son « épanouissement » depuis dix ans.
ÉLÉMENTS. Vous qui êtes de l’aventure depuis le début, comment jugez-vous l’évolution de la revue au cours du temps ? Quelles sont, selon vous, aujourd’hui, ses forces et ses faiblesses ?
GÉRARD LANDRY : Quels que soient les aléas que la revue a pu subir, elle a résisté avec parfois des moyens très modestes. C’est cette capacité unique dans l’histoire des revues « intellectuelles » qui a permis de voir venir à elle une nouvelle génération de talents qui en a compris « l’essence » et a enrichi « sa « substantifique moelle ». De ces talents et de ces personnalités, Éléments tire sa principale force. Un noyau dur de lecteurs fidèles lui donnera, j’espère, le temps de conquérir un lectorat plus jeune et exigeant intellectuellement. Il y a bien sûr une chute très importante de la lecture et toute la presse écrite en pâtit. Mais j’ai l’optimisme de croire que des « niches éditoriales » subsisteront si, tels que des produits de luxe, elles conservent une haut niveau d’exigence.
ÉLÉMENTS. Vous avez également été éditeur, fondant et dirigeant notamment les éditions Copernic. Quel bilan tirez-vous de cette aventure ?
GÉRARD LANDRY : En 1976, lorsque les éditions Copernic ont été créées, j’étais encore dans la fonction publique à Lille. En 1977, Jean-Claude Valla m’a proposé un poste de directeur administratif, puis de directeur adjoint (quand il a rejoint le Figaro Magazine avec Louis Pauwels). Sans hésiter, j’ai démissionné et embarqué ma petite famille dans la région parisienne. Les équipes étaient déjà constituées et le grand succès de Vu de droite a fait croire que nous étions parvenus à la maîtrise de ce métier particulièrement difficile. Des erreurs ont été commises qui ont conduit au rachat de la société par notre imprimeur.
Je n’en tire pas de leçon à proprement parler. J’ai continué ma route et repris des activités militantes dans ma région d’origine sans perdre le contact avec des amitiés que j’avais nouées à Paris.
ÉLÉMENTS. Dans votre jeunesse, vous avez été très engagé dans la « cause Flamande ». Ce combat a-t-il toujours autant de sens et d’importance à vos yeux aujourd’hui ?
GÉRARD LANDRY : Même si la « cause flamande » constituait une part important de notre action, elle n’en était pas le cœur. En 1970, lorsque nous étions étudiants, nous avons lancé Le courrier lillois , une lettre de quelques pages où les idées que nous défendions étaient régionalistes, fédéralistes européennes. Nous étions inspirés par L‘Europe aux cent drapeaux de Yann Fouéré ou les écrits de Jean Mabire. Précisons que dès cette époque, les collaborateurs et initiateurs étaient déjà des adhérents ou sympathisants du GRECE, ce qui insufflait déjà au contenu éditorial un certain orientation idéologique. A mon retour, après l’expérience Copernic, avec une partie de la même équipe renforcée de nouveaux rédacteurs, nous avons édité Le Courrier des Pays-Bas français. Au début des années 80, le régionalisme avait le vent en poupe. La sensibilité intellectuelle restait fidèle à la « nouvelle droite ». L’histoire secrète de la Flandre et de l’Artois, co-écrite avec mon ami Georges De Verrewaere et publiée aux éditions Albin Michel a connu un réel succès. Les richesses culturelles et historiques de notre région ont été redécouvertes et de nombreuses initiatives ont contribué à cette dynamique : ouvertures d’estaminets flamands, éditions de livres ou disques de chants locaux, etc. Avec l’approbation de la presse régionale et d’une bonne partie des élus.
Aujourd’hui, il ne s’agit plus pour moi d’un « combat » mais d’une volonté de faire connaître des spécificités culturelles et historiques de ma région d’origine. Et je suis heureux de pouvoir de temps en temps publier des articles dans Éléments sur des écrivains tels que Louis-Paul Boon ou Max Havelaar ou des personnages comme Till Eulenspiegel.
ÉLÉMENTS. Il y a souvent, dans ce que l’on appelle à tort ou à raison « la droite », une prégnance du sentiment nostalgique. Avec votre expérience et votre recul, pensez-vous que « c’était mieux avant », notamment en matière de militantisme, de combat des idées et d’agitation culturelle ?
GÉRARD LANDRY : Le « c’était mieux avant », de droite comme de gauche n’est bien souvent que la nostalgie de ses jeunes années. Il me semble cependant que le militantisme a changé de nature, il est maintenant plus intellectuel moins « physique ». Il n’en reste pas moins que nous avons toujours des personnes avec nous qui luttent pour des idées, une attitude dans la vie et une éthique.
ÉLÉMENTS. À coté de la (méta)politique, quels sont vos hobbys et centres d’intérêt ?
GÉRARD LANDRY : La lecture reste ma principale occupation. Les grands treks au Népal, en Amérique du sud ou au Kirghizistan n’étant plus physiquement à ma portée, il me reste le plaisir de la marche à la ville comme à la campagne.
ÉLÉMENTS. Êtes-vous gourmand et gourmet ? Quel est votre plat favori ?
GÉRARD LANDRY : Ni l’un, ni l’autre. J’apprécie un plateau de fruits de mer arrosé d’un vin blanc sec et frais. Les meilleurs moments à table restent en famille ou entre amis, avec quelques bonnes bouteilles.
ÉLÉMENTS. Fumeur ou non fumeur ?
GÉRARD LANDRY : J’ai été un très gros fumeur mais j’ai arrêté il y a près de 30 ans.
ÉLÉMENTS. Un plaisir coupable à confesser ?
GÉRARD LANDRY : Est-ce un plaisir coupable de toujours aimer la compagnie de quelques femmes jolies et/ou intelligentes ?
ÉLÉMENTS. Enfin, pour conclure, comme nous sommes en pleine période estivale, pouvez-vous nous donner votre destination de vacances préférée et/ou rêvée ?
GÉRARD LANDRY : En période estivale : tous aux abris !
Propos recueillis par Xavier Eman