Nicolas Sarkozy est en prison, menacé des pires avanies par ses codétenus. Dans la rue, des manifestants arpentent le pavé en promettant Emmanuel Macron à la guillotine. « En même temps », tel que dirait ce dernier, les bijoux de la couronne sont dérobés au Louvre et la note financière de la France se trouve une nouvelle fois dégradée. Les amateurs de signes du destin sont à la fête. Bref, tout laisse à penser que le roi est nu. Simple accident de l’histoire ou phase terminale d’un lent processus de décomposition du système en place ? La seconde option paraît la plus plausible.
Mathieu Bock-Côté dans son dernier essai, Les deux Occidents (La Cité), convoque Joseph de Maistre, penseur contre-révolutionnaire qui, à propos de 1789, reconnaît : « Il faut avoir le courage de l’avouer : longtemps, nous n’avons point compris la révolution dont nous sommes les témoins ; longtemps nous l’avons prise pour un événement. Nous étions dans l’erreur : c’est une époque. »
Sarcron et Macrozy dans le même bateau…
En effet, la chute conjointe de Sarkozy et Macron pourrait bien préfigurer une nouvelle « époque » ; celle du régime en place, ces deux personnages incarnant finalement les deux faces de la même pièce, celle de l’alliance des bourgeoisies de centre-gauche et de centre-droit. La preuve en est les relations intimes entre les deux hommes et le nombre de ténors du sarkozysme ayant rallié le macronisme en 2022. On notera qu’à quelques exceptions près (le sympathique chanteur Didier Barbelivien et Ingrid Betancourt, ancienne otage des FARC colombiennes), le sort pénitentiaire de Nicolas Sarkozy, même si manifestement injustifié1, ne bouscule pas l’opinion publique plus que de raison. Il est vrai que cet homme, connu pour avoir trahi Jacques Chirac, son mentor, pour rejoindre Édouard Balladur, avant de faire de même de ses promesses électorales – ce qui est finalement plus grave – peut aujourd’hui compter ses fidèles sur les doigts de la main d’un manchot.
Un Président de plus en plus haï…
Le cas d’Emmanuel Macron est autrement plus dramatique, l’homme étant aujourd’hui en proie à une haine comme on en n’avait jamais vue au cours de l’histoire, pourtant mouvementée, de la Cinquième république. Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop, affirme ainsi, dans Le Journal du dimanche du 26 octobre : « Hollande avait suscité de la haine avec la loi travail, de Gaulle avec l’Algérie française. La haine à l’endroit de Macron est liée à ce qu’il incarne. » Résultat ? Avec 84 % de mécontents, c’est donc un système entier qui semble être rejeté par une majorité grandissante de Français.
Autre signe qui ne trompe pas, même un Alain Minc, premier des macronistes, estime désormais qu’il a été « l’un des pires présidents de la Vème ». Le prophète de « la mondialisation heureuse » sera-t-il le prochain Philippe Égalité ? Vu le sort funeste de celui ayant voté la mort de son cousin de roi, Louis XVI, on ne le lui souhaite pas.
Dans la foulée, d’autres ténors du genre, tel Thierry Breton, ancien commissaire européen, autre chantre de la « bonne gouvernance », révèle désormais que s’il avait le choix entre glisser un bulletin RN ou en bulletin LFI dans l’urne, il opterait sans hésiter pour le premier.
LFI et RN, les derniers partis à faire de la politique…
En 2017, Alain de Benoist publiait L’Instant populiste. Nous y sommes, un peu moins de dix ans après. L’État ne peut plus et le peuple ne veut plus ; ce qui se confirme, élections après élections. Et les deux derniers partis à encore faire de la politique demeurent La France insoumise et le Rassemblement national, mouvements que l’on peut définir comme « populistes » sans grand risque de s’égarer.
Ce phénomène n’est évidemment pas que français. On peut l’observer depuis des années dans nombre de pays européens, Hongrie, Italie, Suède, Finlande, Angleterre, Roumanie Pologne, Slovaquie, Allemagne etc., et autres pays où des formations populistes bousculent les partis traditionnels, habitués à gouverner en rond, grâce à des coalitions interchangeables. Certains ont déjà pris le pouvoir ; les autres en sont de moins en moins loin.
Mais l’épicentre de ce séisme politique se trouve évidemment aux USA. Là où la première élection de Donald Trump, puis sa réélection triomphale, après que le bloc central a prédit sa mort politique, est, plus qu’un simple accident de l’Histoire, mais le résultat d’un processus depuis longtemps initié, à l’instar de celui qui a fini par faire chuter notre monarchie. Là-bas comme ici, toujours le même bloc central, mi-démocrate, mi-républicain, où l’on se repasse le même mistigri à chaque alternance, aboutissant une fois encore, à un gouvernement qui ne peut plus et un peuple qui ne veut plus. Et qui finit par lâcher. En France, cela semble se rapprocher de jour en jour.
© Photo : Antonin Albert / Shuttersstock. Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy lors de l’inauguration de la ligne 14 et de la gare Saint-Denis Pleyel, le 26 juin 2024.
- Quoique l’ami Daoud Boughaleza ait prétendu dans ses colonnes, et ce non sans raison, qu’à elle seule, son équipée libyenne aurait amplement justifié sa mise sous écrou. Ce qui peut bien sûr se discuter. ↩︎



