Le magazine des idées
Eric Zemmour

Éric Zemmour et l’écologie – Pour une présidentielle à la hauteur des enjeux du temps

L’écologie serait-elle l’angle mort de la droite, comme l’immigration celui de la gauche ? Dans sa déclaration de candidature, Éric Zemmour a eu le mérite d’aborder de front la seconde question, mais pourquoi occulte-t-il l’enjeu non moins central de l’écologie et du changement climatique ? C’est d’autant plus absurde qu’une écologie bien comprise permettrait de remettre au centre des débats le local et le national.

Suite à la diffusion de l’appel d’Éric Zemmour annonçant aux Français sa candidature à l’élection présidentielle, des observateurs, favorables ou hostiles, ironiques ou sincères, ont fait remarquer que la déclaration d’une dizaine de minutes ne comportait aucune référence aux enjeux climatiques. D’aucuns, en particulier à gauche, ont fait mine de le déplorer, croyant démontrer que le polémiste devenu candidat ne faisait ainsi que détourner l’attention vers des sujets jugés par eux illégitimes ; d’autres, du côté surtout d’une certaine droite vaguement trumpiste, s’en sont réjouis, pleins de mépris pour une préoccupation perçue comme une lubie pour bobos.

            Il existe une autre voie que ces deux erreurs. On peut tout à la fois comprendre qu’Éric Zemmour ait voulu placer au cœur de son message cet enjeu essentiel qu’est la continuité historique de la nation française face au Grand Remplacement dont s’inquiètent à raison deux tiers de nos compatriotes (1), et ne pas souhaiter pour autant qu’un potentiel homme d’État puisse négliger cet autre défi majeur qu’est le changement climatique. Traiter par-dessus la jambe la transition énergétique et la crise écologique, abandonner ces sujets à la gauche progressiste qui n’attend d’ailleurs que cela, serait une erreur, quand les trois quarts des Français placent cette question parmi les priorités (2), mais ce serait aussi une faute, quand on prétend hisser enfin la présidentielle à la hauteur d’enjeux historiques. Or, n’en déplaise à une minorité de climatosceptiques plus ou moins goguenards, prompts à opposer au consensus scientifique le moindre flocon de neige tombé en novembre, et hélas surreprésentés dans une certaine droite (3), les enjeux croisés de la dépendance aux énergies fossiles et du changement climatique représentent bel et bien un tel enjeu historique.

Pour un colbertisme écologique

Dans son discours de Bayeux, de Gaulle ne cachait pas aux Français qu’ils avaient à affronter une « époque bien dure et bien dangereuse ». Éric Zemmour, fidèle à cet exemple, préfère assumer clairement le diagnostic peu réjouissant (« anxiogène », comme disent volontiers les Amis du Désastre) que bien des Français posent déjà sur l’état du pays, plutôt que de les bercer d’illusions. Dans le même esprit, il ne serait pas inconcevable qu’un tel candidat ose se démarquer des discours rassurants et des sempiternelles promesses politiciennes en forme de miroir aux alouettes. Un tel candidat doit savoir et dire que l’avenir que dessinent la contrainte énergétique et les perturbations climatiques obligera la France à faire face à un contexte géopolitique de plus en plus tendu. Un tel candidat enfin ne pourra plus occulter ce que beaucoup de Français ont sans doute compris d’eux-mêmes malgré les mirages des économistes organiques, à savoir que « la décroissance est déjà une réalité », comme le disait il y a quelques mois Jean-Marc Jancovici dans les colonnes d’Éléments (4).

            Évidemment, on n’attend pas seulement d’un aspirant président qu’il décrive correctement la situation, même si c’est un préalable trop souvent négligé, mais aussi qu’il trace les lignes essentielles d’un projet. En ce qui concerne la question du climat et de l’énergie telle qu’on peut vouloir la traiter à l’échelle de notre pays, on dispose de pistes solides ; le Shift Project en particulier a déjà publié de larges pans d’un « Plan de transformation de l’économie française » proposant de nombreuses mesures allant dans le sens d’une transition bas carbone, que pourrait mettre en œuvre dès 2022 le prochain gouvernement. Or, force est de constater que les mesures proposées peuvent parfaitement s’intégrer dans un projet présidentiel axé sur le patriotisme. Car mettre en œuvre un tel plan pour atténuer le changement climatique et nous sevrer des énergies fossiles, cela rejoint bien d’autres objectifs. Libérer notre balance commerciale d’une dépendance vis-à-vis de pays fournisseurs de pétrole, c’est par exemple l’occasion de revoir notre politique étrangère vis-à-vis des pays du Golfe ou de l’Algérie. Décarboner l’économie, cela revient à redonner de l’emploi aux Français et un horizon clair à la formation professionnelle. Décarboner l’économie, c’est aussi la démondialiser, soutenir une industrie localisée et une agriculture de proximité. Redéfinir notre politique énergétique, c’est miser notamment sur l’excellence française dans le domaine nucléaire, et c’est aussi affronter les dogmes bruxellois qui imposent la libre concurrence au détriment de l’État stratège hérité de Colbert ou de Gaulle. Mettre enfin en œuvre une politique concrétisant les engagements des COP, c’est également redonner à la France la crédibilité et le rayonnement au niveau international qui contribueront à sa grandeur retrouvée.

Le candidat au-dessus du polémiste

Aspirer à diriger le pays, c’est fixer un cap pour le pays tout entier, et lui permettre de se projeter dans l’avenir. Oublier un sujet essentiel, ou pire l’abandonner à des adversaires, c’est peut-être possible pour un polémiste ; un candidat à la magistrature suprême, au contraire, doit être capable de rassembler, de bousculer les clivages factices, de dépasser les réflexes paresseux. Les conservateurs doivent rompre avec les dogmes de la croissance et du libéralisme, autant que les écologistes ou les défenseurs de la justice sociale doivent se libérer des illusions du progrès. Et si notre tâche, comme l’écrivait Albert Camus, « consiste à empêcher que le monde ne se défasse », il faut garder à l’esprit que cette tâche est d’autant plus ardue et ardente que c’est de plusieurs façons que nous voyons effectivement notre monde se défaire.

1. Sondage Harris Interactive, octobre 2021.
2. Sondage OpinionWay- Square, novembre 2021.
3. Cf. « Portrait du bourgeois en Monsieur Météo. La droite est-elle condamnée au climatoscepticisme ? », Éléments n° 180 d’octobre-novembre 2019.
4. Entretien publié dans le n° 187 de décembre 2020-janvier 2021.

2 réponses

  1. Bravo Fabien,
    La droite et l’extrême droite les plus bêtes du monde ne comprennent pas que les bouleversements climatiques rendront inéluctables les invasions migratoires et que lorsque ça arrivera le remplacement de populations deviendra réellement grand.Ce que l’on observe aujourd’hui est de la rigolade à côté de ce qui nous attend.
    Grace notamment à Hervé Juvin il semble bien que l’équipe Le Pen ait un temps d »avance sur leur concurrent.

    1. Inexact, la pluviométrie va s’accroitre globalement sur l’Afrique avec des moussons plus abondantes ; d’ores et déjà le bassin du Congo pourrait nourrir toute le continent ; sans compter ses immenses richesses minérales. Seule la partie intérieure du Maghreb va souffrir.
      Le prosélytisme en faveur de M. le Pen est bien inutile tant il est patent que même si elle était élue (probabilité très fiable) elle rentrerait dans le rang très vite.

Laisser un commentaire

Sur le même sujet

Actuellement en kiosque – N°207 avril-mai

Revue Éléments

Découvrez nos formules d’abonnement

• 2 ans • 12 N° • 79€
• 1 an • 6 N° • 42€
• Durée libre • 6,90€ /2 mois
• Soutien • 12 N° •150€

Dernières parutions - Nouvelle école et Krisis

Prochains événements

Pas de nouveaux événements
Newsletter Éléments