Hier, le jour même de sa panthéonisation, la tombe de Robert Badinter a subi les derniers outrages au cimetière de Bagneux. Lâchement, un crétin a cru bon de peinturlurer sur sa tombe : « Éternelle est leur reconnaissance, les assassins, les pédos, les violeurs, la République les sanctifie ». Immédiatement, tel un chien de Pavlov alléché, Jean-Luc Mélenchon a accusé « l’extrême droite ». Moins prévisible, la maire (PCF) de Bagneux a déclaré : « Les inscriptions retrouvées par la police mettent en accusation ses engagements contre la peine de mort et pour la dépénalisation de l’homosexualité ».
Un simple alignement législatif
Seule entorse à la vérité, Robert Badinter n’a jamais dépénalisé l’homosexualité. Pour la bonne et simple raison que l’homosexualité n’est plus interdite en France… depuis 1791. Si réforme il y a eu en 1982, il s’agissait d’un simple alignement législatif égalisant l’âge légal des rapports homosexuels ou hétérosexuels avec un mineur.
L’excellent essai d’Antoine Idier Les alinéas au placard (Cartouche, 2013) met les points sur les i. Résumons les (més)aventures de l’homosexualité face à la loi française. Si la répression des comportements sexuels minoritaires a parfois pu s’exercer par des voies détournées (atteinte à la pudeur…), la justice française ne condamne plus l’homosexualité en tant que telle depuis plus de deux siècles. Une loi de 1863 fixe ainsi la majorité sexuelle à 13 ans, sans distinction aucune.
À l’été 1942, le gouvernement de Vichy édicte une ordonnance discriminatoire qui pénalise les relations homosexuelles avec un mineur de 13 à 21 ans. Si la majorité (hétéro)sexuelle est relevée à 15 ans à la Libération, le texte de Vichy se voit repris en 1945 par le Code pénal, dont l’article 331 sanctionne les « actes impudiques ou contre nature commis avec un mineur du même sexe ». De 1942 à 1981, la discrimination porte donc sur l’âge auquel les relations sexuelles ne relèvent plus de la loi pénale (15 ans pour les hétéros, 21 ans, puis 18 ans pour les homos). Il faudra attendre l’arrivée de Mitterrand à l’Élysée pour que le législateur aligne la majorité sexuelle « homo » sur l’hétéro : 15 ans pour tous en juillet 1982. En leur âme et conscience, certains parlementaires conservateurs ont voté contre cet alinéa. Cela n’en fait pas nécessairement des homophobes.
Les mythes ont la vie dure
C’est alors qu’est né le mythe de la dépénalisation de l’homosexualité orchestrée par Mitterrand et Badinter. Dès lors, les journalistes paresseux et certains politiques l’ont accrédité sans réfléchir. Il suffisait de se copier les uns les autres. Cette fake news avant l’heure figure même dans l’exposé des motifs de la loi Taubira… Et pour cause : aux yeux de la gauche progressiste, la légende symbolise le passage de l’ombre à la lumière en mai 1981, comme l’exprima avec emphase le grand metteur en scène du mitterrandisme Jack Lang.
La mémoire de Robert Badinter mérite le respect, de ses adversaires comme de ses thuriféraires. Aux grands hommes supposés, la patrie doit l’exigence de vérité.