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Disparition de Jean-Pierre Elkabbach : la seconde mort de Giscard

Disparition de Jean-Pierre Elkabbach : la seconde mort de Giscard

Pilier indéboulonnable du PAF, il semblait, à l'instar d'un Michel Drucker, en être l'éternel robinet d'eau tiède. Pourtant, à 86 ans, Jean-Pierre Elkabbach a fini par tirer définitivement sa révérence, déclenchant un véritable tombereau de louanges et d'éloges aussi passionnés que dithyrambiques. Christophe A.Maxime lui rend également hommage, à sa façon.

Figure familière comique et grandiloquente de tous les médias depuis Pompidou, Jean-Pierre Elkabbach est devenu en un coup de cuillère à pot sur le cercueil le « plus grand journaliste des 50 dernières années ». 

6 octobre 2023, cimetière du Montparnasse, l’inoxydable Alain Duhamel prononce l’oraison funèbre de l’imputrescible Haïm Elkabbach. L’homme à la mèche de ciment plaqué et au regard de déficient chromosomique poursuit, quoique Caennais, son inlassable job d’insipide larbin, centriste démocrate-crétin, moral et mou : « Jean-Pierre passait pour un journaliste contestable (sic), il devient un mythe incomparable. » Debord, Guy – STOP – Dans le monde réellement renversé – STOP – Le faux est un moment du vrai – STOP – La société du spectacle – STOP.

Une nostalgie infantile

Elkabbach nous accompagna pendant 60 ans sur les ondes et les écrans, de l’ORTF à Europe 1. Il fait partie du décor, du foyer, comme un vaisselier rustique, une toile cirée, un canevas de cerfs sur soleil couchant, rigolo personnage inoffensif et daté. Sa date c’est les années 70, période Giscard. Permanentes et pattes d’éph. Présentateur du journal télé et des débats sur Antenne 2 et France Inter, il commente le couronnement de Bokassa puis tente d’étouffer l’affaire des diamants. « Taisez-vous Elkabbach ! », lui ordonne Georges Marchais et Thierry Le Luron en 1978. Il enterre Giscard une première fois en 1981 en annonçant la victoire de Mitterrand lors de la soirée électorale. Évincé pour sa trop grande proximité avec le pouvoir, il s’attire en courtisan exemplaire les bonnes grâces de Mitterrand. Son fait d’armes est l’interview vérité du Président de la République en 1994. On assiste alors à un chef d’œuvre de complaisance larmoyante et d’obséquiosité sirupeuse à la limite, savoureuse, du révisionnisme historique. Le grand enquêteur très content de lui-même parvient à faire avouer à l’inquiétante momie déjà morte sa totale méconnaissance des faits à Vichy.

Le gang des cancres

Rogue avec les petits, humble avec les grands, le Zlatan Ibrahimovic du journalisme fascine par sa souplesse et son habilité. A l’instar de ses contemporains Thierry Roland et Michel Drucker, il  a eu le talent, fils de familles, sans diplômes, qualités particulières ni physique avantageux, de glisser le pied dans la porte de la télé à une époque où tout était facile et dérisoire. Fascinante intuition qui aura battu à la force de l’abnégation et de l’habitude un record de longévité et de mansuétude incompréhensibles. Thierry Roland, fils de bijoutier du 16ème et sympathique tire-au-flanc, a passé toute sa vie à se faire payer l’avion, le restaurant et le stade sans aucune aptitude professionnelle tandis que Michel Drucker, fils de médecin de Vire, Saint-Sever et d’ailleurs, s’est fait l’ami de toutes les stars avec un abattage et une abnégation remarquables. Efficacité, ressentiment, revanche. Rassurants parce que médiocres et culottés. Elkabbach, quadra inconséquent, commandeur largué, affairiste impeccable, aura incarné une époque insouciante où les enjeux de civilisation étaient pris par-dessus la jambe. Contempler le visage de ces hommes satisfaits, c’est fixer notre propre masque mortuaire.

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