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Des « marcheurs » chez les culs-terreux

Des « marcheurs » chez les culs-terreux

Des journaux de confinement, il en a pullulé en 2020 et 2021, lorsque la « dictature sanitaire » battait son plein. De Leïla Slimani à Marie Darrieussecq, les dindes exilées à la campagne nous ont abreuvés de leurs états d’âme de bobos privilégiées. Richard de Seze a préféré la parodie au pathos, et a écrit un faux journal de confinement racontant les mésaventures d’un couple de parisiens et de leurs deux enfants exilés dans un milieu hostile et traditionnel : la campagne française.

Le directeur de la rédaction de Radio Courtoisie s’est glissé dans la peau de Réginald, consultant pour Chief Happiness Officers* réduit au chômage partiel faute de projets et de clients, et propulsé avec Quitterie et leurs deux enfants, Mattéo et Cerise, dans un manoir du Quercy prêté par un ami. Passer du bitume et du gris, aux pâtures et au vert : le choc est rude. Pas de chandail noué sur les épaules, pas de quinoa en vrac, mais du vin de noix et un voisinage rural qui ne lit ni Libé ni Télérama.

Réginald, mâle déconstruit, soumis à une Quitterie hystérique de vigilance anti-réac et anti-populiste, s’ébahit devant la moindre chose qui sort de son ordinaire parisien : les crottes d’animaux, le lisier qui embaume, le pain perdu non-bio. Pendant que les enfants désertent Netflix pour lire La Hulotte et comprennent que la nature éduque mieux que l’Éducation nationale ; les parents découvrent que la campagne n’est pas un « spot » de coworking mais un monde habité de bêtes et de rites ancestraux, et finissent par dépérir, privés de la grisaille rassurante du XIe, désorientés hors de leur biotope naturel. Pire encore : ces bobos, soutiens irréductibles des slogans macronistes et des décisions contradictoires de Véran, Castaner ou Buzyn, finissent par douter de la communication gouvernementale, sacrilège pour ces « marcheurs » de la première heure.

Richard de Seze transforme les angoisses d’un couple bobo en un petit traité de sociologie comique et conduit sa satire avec un humour cruel et un plaisir évident. Dans sa comédie humaine miniature, les certitudes bien-pensantes s’effondrent face à la rusticité de la France éternelle. Il ne s’agit pas seulement de rire du décalage entre Paris et la province, entre les valeurs gaucho-progressiste et traditionnelles, mais d’épingler les contradictions d’une classe moyenne supérieure persuadée d’incarner la pensée complexe alors qu’elle ne fait que radoter des slogans vides sur la « haine », le « patriarcat » et l’éco-conscience. Parisiens en exil est à la fois une farce hilarante et une radioscopie d’époque. On rit, on grimace, et on se dit qu’après tout, le lisier vaut parfois mieux que LinkedIn.

* Chargé.e de la qualité de vie au travail

Richard de Seze, Parisiens en exil, La mouette de minerve, 11,50€

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