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Dans la tête d’un Gilet jaune, Acte LXVIII

Un samedi comme un autre un Acte LXVII un peu curieux à Paris.

En ce moment, les médias parlent surtout du :

Sinon, concernant la promesse faite par le chef de l’État à une femme GJ, la semaine dernière au Salon de l’agriculture, de recevoir un groupe représentatif, trois « figures » du mouvement, Priscillia Ludosky, François Boulo et Jérôme Rodrigues l’ont pris au mot et affirment avoir pris contact avec le directeur de cabinet de l’Élysée. À suivre…

Ce samedi, les GJ continuent à se rassembler à Paris (et en France) pour l’Acte LXVIII…

Pour une fois loin de Paris ce jour, voyons ce qu’en disent les médias mainstream :

Heureusement, les réseaux sociaux nous informent !

Source Démosphère

  • Assemblée : Rendez-vous à 14 h, Place Édouard Herriot :

Marche autour de l’Assemblée de 14 h à 18 h. « Encerclement de l’Assemblée ».

Manifestation déclarée par Faouzi Lellouche et relayée par Jamel Bouabane. Le secteur a été interdit par la préfecture.

  • Cité universitaire : Rendez-vous à 11 h à la sortie du RER, départ à 13 h. Manifestation déclarée par Inda et Nejeh. Trajet détaillé : 24 bd Jourdan > Bd Jourdan > rue Emile Deutsch de la Meurthe > rue Nansouty > Av René Coty > Pl Denfert-Rochereau > rue Froidevaux > rue Jean Zay > rue Vercingétorix > Pl de Catalogne > rue du Château > Place des Cinq Martyrs du Lycée Buffon > Bd Pasteur (pause au niveau du métro) > Pl Henri Queuille > Bd Garibalid> Pl Cambronne > Bd de Grenelle > Place des martyrs juifs du Vélodrome d’Hiver.

Donc, qu’est-ce que ça a donné aujourd’hui ?

Source Russia Today

1/ À l’Assemblée :

Vincent@ « Le maquis » (devenu en quelque sorte le porte-parole des GJ à Paris !)

En résumé, quelques GJ courageux mais aussitôt contrôlés, verbalisés et, pour certains d’entre eux, interpellés. Comme Vincent qui était seul avant d’être emmené de force au milieu d’une nasse ! Mais il en a vu d’autres…

Dans cette opération, il aurait fallu le nombre… « Vous n’avez pas le nombre, taisez-vous », disait Céline…

(Au sujet de la France, entre 22 mn 10 et 25 mn)

2/ Et la manif déclarée ?

Pas grand monde non plus… Un défi aux voltigeurs au début, en stoppant le cortège en attendant qu’ils repartent. Un peu plus de monde en cours de route, 500 GJ environ, qui chantent et scandent des refrains… Puis une marche sans histoire jusqu’au terme de la manifestation.

En terme d’affluence, on est loin du dynamisme de l’an dernier !

Beaucoup espèrent un sursaut pour l’Acte national prévu à Paris dans deux semaines. Wait and see

En fin d’après-midi, des manifestants du Parti communiste, du syndicat Sud, etc. et des GJ, se sont rassemblés devant l’Assemblée nationale (et ailleurs en France) pour exprimer leur opposition au recours du 49-3 concernant le projet de loi sur la réforme des retraites, annoncé ce 29 février par le Premier ministre Édouard Philippe.

(L’article 49 alinéa 3, dit d’« engagement de responsabilité », permet au gouvernement de faire passer le texte qu’il présente, sans vote, sous couvert du rejet de la motion de censure que l’opposition se doit de déposer pour la forme, avec peu d’espoir de réussite.)

Des chants, des slogans, canalisés par les militants du PC, mais là encore, c’était plus calme que le 6 février 1934 devant l’Assemblée !

Le moment culturel : le 6 février 1934, par Pierre Drieu La Rochelle

Reportage publié, à l’époque, dans le journal Vu :

Vers sept heures, je fais le tour de la rive gauche. Rien : des barrages de mobiles et d’agents immobiles, dans des rues désertes. Je prends un autobus qui par des détours m’amène à la Madeleine. J’enfile la rue Royale, foule dense mais vague, coins de police. En arrivant au coin du ministère de la Marine, je tombe sur une foule en furie : un homme, sur le toit d’une voiture, gît le ventre à l’air, ensanglanté, les bras en croix.

Je m’avance sur la place : immenses remous. Des groupes arrivent portant quatre, cinq blessés. Blessures à la poitrine, au ventre. Au beau milieu flambe un autobus. Je continue d’avancer. « N’allez pas là-bas, ils tirent, les salauds ! » Pas un coup de feu. Une foule de jeunes hommes où se mélangent des bourgeois de tout acabit et de jeunes employés et ouvriers forme une sorte de demi-cercle tremblant, hagard, furieux, autour de la tête du pont.

La tête de pont est massive. Rangées de cars, doublées de rangées de gardes à cheval, doublées de rangées de mobiles à pied. La foule avance, roule selon les caracoles de deux ou trois pelotons de chevaux qui agitent le rideau devant la tête de pont. Il y a un espace vide et lugubre tantôt plus large, tantôt plus étroit, entre la foule violente et faible, et la police tassée et inquiète.

Gros rassemblement au bas des Champs Élysées, entre les deux chevaux de Marly. Barricade en travers de l’avenue. « Les anciens combattants sont au Rond-Point. » Du côté de Clémenceau, de vastes groupes s’agitent. Autour des drapeaux, des hommes mûrs invectivent et se lamentent. Autour, des jeunes hommes attendent. Des petits-bourgeois et des bourgeois. « Nous n’avons pas d’ordres, pas de chefs. » Pas de police dans toute l’avenue. Il paraît qu’il y avait des communistes plus haut.

Tout d’un coup, je m’aperçois qu’un cortège s’est formé et descend les Champs Élysées. Un groupe de drapeaux en tête, derrière deux banderoles : « Nous voulons une France propre et prospère. » Les vastes groupes où j’avais circulé sont devenus un flot qui coule. Un flot avec une écume. Il y a le milieu, serré, où les hommes se tiennent par le bras, et sur les trottoirs une frange épaisse de curieux et de timides. J’en vois qui passent deux à trois fois de suite de la timidité à l’audace, du trottoir à la chaussée.

L’énorme masse – plusieurs milliers d’hommes – chantant La Marseillaise, la chantant bien d’ailleurs, s’engouffre dans la rue Royale et tourne dans la rue Saint Honoré. Les coins de police ne bougent pas. On marche sur l’Élysée. La foule se tasse et se serre dans la rue étroite. Cela devient sérieux.

Un peloton de gardes à cheval arrive sabre au clair et charge en plein dans le milieu. Un passage se fait, puis se referme. Un cavalier désarçonné au coin de la rue Boissy-d’Anglas. La foule méchante se jette sur lui. Un type s’empare de son cheval, grimpe dessus et s’avance aux premiers rangs.

L’Élysée est proche, la foule est dense. Je me trouve dans le quinzième rang. Je crois qu’il y a un moment peu croyable où l’Élysée l’a échappé belle. À ce moment-là, il n’y avait au coin de la rue de l’Élysée qu’un peloton à cheval et trois ou quatre rangs de mobiles. Si la foule avait poussé plus ferme, elle noyait ces trois ou quatre rangs et elle arrivait jusqu’à la porte de l’Élysée. Mais sans doute y avait-il des réserves cachées.

En tout cas, comme la masse poussant ses drapeaux atteint à peu près l’édifice de L’Énergie industrielle, les quatre rangs de mobiles se ruent à la matraque, suivis de gardes à cheval. Les vieux combattants sont bousillés. La foule reflue. Les mobiles rentrent comme dans du beurre et tapent sans arrêt.

Je suis pris d’une forte trouille. Nous sommes refoulés, nous portant les uns les autres, jusqu’à la rue d’Aguesseau où je m’engouffre avec d’autres. Quelques gardes nous suivent à pas lents, sans plus taper, jusqu’à la rue des Saussaies. Les fuyards se remettent, hurlent, sacrent, entourent leurs blessés. Les drapeaux sont en miettes. Les porte-drapeaux sont amochés. Il y a beaucoup de gens par ici qui s’en vont vers Saint-Augustin, en hurlant des injures devant la Sûreté Générale silencieuse et anonyme.

Je reviens vers la Madeleine. Nouvelles foules nerveuses, fugitives et toujours revenant acharnées à se risquer encore autour des pans de cavaliers, des grappes de mobiles qui sont le long des murs avec leurs paquets de bourguignottes luisants comme des devantures de citrouilles ou des bouillottes ménagères.

La police et la foule se cherchent, s’évitent, se font peur.

Les hommes viennent hurler : « Assassin ! » sous le nez des officiers de paix.

On agite un mouchoir ensanglanté. On vend des journaux. Majorité de 360 voix à Daladier. On crie : « Ils ne disent pas le nombre de morts. »

Des foules vont et viennent. Mais soudain c’est une énorme masse qui repart vers l’Opéra, la Madeleine. Éléments nouveaux. Toutes les classes confondues. Différents partis. Des groupes de communistes flanquent la colonne et crient : « Les Soviets partout ! À bas Chiappe ! » Ça me plaît.

On arrive à la place de la Concorde. Mais ce qui était prévisible arrive. Ces vingt mille hommes se noient dans les espaces abstraits de la plus belle géométrie du monde.

Le cercle hagard, tremblant, nerveux, se reforme autour de la tête de pont. Mais mon impression est beaucoup plus tragique que la première fois. La foule est plus mêlée, le sang qui a coulé fermente. La foule, tirée par son désir, vient lécher de bandes coureuses et frondeuses le bloc de la tête de pont – ce bloc qu’elle voudrait mordre.

Dans un coin, vers l’Orangerie : un brasier où une sorte de forge populaire s’ébauche ; on y prépare des manières de tisons, des feux rouges et des feux grégeois. La foule désarmée gratte le bitume et en extrait de problématiques projectiles. « Demain, nous serons armés » crie-t-on de toutes parts.

Devant le bloc du pont caracole un puissant escadron. Il s’élance et commence une galopade violente tout autour de la place. Des milliers de jeunes hommes bondissent de toutes parts.

Je me rappelle les premiers Mai d’avant la guerre, place de la République. Je prends le vent. Je circule déguisé en azur parmi ces comités de casques, de sabres, de sabots. Cela devient un cirque, les cavalcades se succèdent. Aux sabots du dernier cheval, des voltiges de fuyards se transforment en poursuivants hurleurs qui jettent trois cailloux cruels. Des chevaux démontés galopent dans la nuit.

Puis il y a eu un moment où tout s’est resserré autour de la tête de pont. Le demi-cercle devient menaçant, assiégeant. On apporte des jardins des bancs, des échelles, des débris. Une barricade se précise…

Cela devient dangereux, cette barricade, et inquiétant. La tête de pont se resserre, fait boule et soudain éclate.

Un énorme flot noir, luisant de bourguignottes, qui depuis un moment s’amassait un peu à droite du pont s’enveloppe d’un léger nuage… Les revolvers partent… Le flot noir s’élance, craquant de cent coups de pétards, et s’élance furieusement, dirigeant tout sur les Champs Élysées ; serrant de près, je vois l’escadron brandissant ses sabres qui s’élance aussi.

C’est une course gémissante à travers pelouses et bosquets. Les paquets de mobiles bondissent partout, tiraillent.

Ils tirent bas ; je ne vois que deux blessés et deux ou trois balles claquent sur le bitume autour de moi. Je suis dans les allées, je crois que les chevaux n’iront pas entre les arbres. Je souffle. Mais une troupe de chevaux arrive du côté de Boissy-d’Anglas. Je me planque derrière un arbre, à genoux. Des cavaliers m’arrivent à droite et à gauche et me lancent leurs sabres. Je reçois un léger coup sur l’épaule, de très loin. Le type à casque me hurle son cri.

Je repars jusqu’au Rond-Point. Les masses de mobiles suivent. Au Rond-Point, les fuyards furieux brûlent un autobus.

La nuit, les espaces déserts dévorent peu à peu la foule qui s’en va, haineuse et revancharde.

Céline, Drieu, j’aggrave mon cas ! Il est temps de laisser la parole à BHL : « Les GJ, c’est pas le peuple ! »

Ouf, sauvé !

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