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Dans la tête d’un Gilet jaune, Acte LXVI

Comme samedi dernier, les GJ ont le choix entre une manifestation interdite et un parcours autorisé pour cet Acte LXVI.

La première doit commencer à 13 h place Louis-Lépine, devant la préfecture de police, et se terminer devant le Palais de l’Elysée ! Autant dire que cette semaine, le Préfet de police a rapidement prononcé un arrêté visant à l’interdire.

La Manifestation interdite.

Pourtant, à l’heure dite, environ 200 GJ (sans gilet) se rassemblent sur le boulevard du Palais, l’accès à la place Louis-Lépine étant rendu inaccessible par des barrières de sécurité installées préventivement par la police.

Crânement, les manifestants restent une bonne heure sur place. Certains se sont fait préalablement verbaliser (135 euros) alors qu’ils étaient assis à la terrasse d’une brasserie ! De même que l’un des organisateurs du rassemblement, alors qu’il s’apprêtait à repartir à l’issue d’une rencontre avec un commissaire de police qui lui avait signifié l’interdiction de la manifestation ! L’intéressé s’en explique :

Près des barrières de sécurité, les participants se demandent à quel moment la police va surgir pour les nasser, ce qui ne serait pas difficile puisqu’il suffirait de barrer le dernier accès au boulevard. Ce qui retient vraisemblablement les autorités est la présence des touristes qui veulent se rendre à la Conciergerie.

La Manifestation interdite.

La minute culturelle : La Conciergerie.

Un splendide palais gothique. Du palais de la Cité médiéval subsistent la salle des Gardes et l’immense salle des Gens d’armes, érigées sous Philippe le Bel, ainsi que les cuisines édifiées sous Jean le Bon.

Les rois de France délaissent le palais à la fin du XIVe siècle pour s’installer au Louvre et à Vincennes. L’activité judiciaire s’y développe, et des prisons sont aménagées. 

La Conciergerie devient un des hauts lieux de détention pendant la Révolution française avec l’installation du tribunal révolutionnaire. Sa prisonnière la plus célèbre fut Marie-Antoinette. Une chapelle commémorative est aménagée à l’époque de la Restauration à l’emplacement de sa cellule.  

De fait, les touristes protègent les GJ : une manifestation interdite asymétrique ! Dans les guerres asymétriques (Irak, Afghanistan…), les combattants se fondent dans la masse pour éviter de s’opposer frontalement à un ennemi plus puissant ; dans les manifestations interdites asymétriques, les contestataires trop peu nombreux se fondent parmi les touristes ou les passants pour échapper à la police, puis se signalent subitement par des chants, des slogans, ou des signes divers, et ainsi de suite… (comme le 21 septembre sur les Champs-Elysées, lors de l’Acte XLV, où les GJ ont tenu plus de douze heures).

Après un « On est là ! » entonné de vive voix, quelques-uns crient « Manif sauvage ! », et 200 personnes environ partent en direction de la place du Châtelet.

Dans la précipitation, une vingtaine de membres des compagnies d’intervention (CSI) cherchent à contenir le mouvement en se plaçant en rang d’oignon sur le pont au Change.

Confrontés, une fois n’est pas coutume, à des manifestants plus nombreux qu’eux, sans appui arrière et n’ayant pas eu le temps de revêtir leurs casques, les CSI cèdent rapidement sous la pression des GJ, au grand dam du commissaire qui commande l’unité.

La voie est libre pour les manifestants qui se dirigent rapidement vers le boulevard de Sébastopol, puis remontent jusqu’à la station de métro Arts et Métiers (soit une distance totale de 4 km !), poursuivis par une véritable armada, beaucoup plus nombreuse qu’eux cette fois, qui les prend en chasse au pas de course, au grand étonnement des passants qui s’interrogent sur la raison de cette mobilisation policière.

Puis les GJ s’évaporent par petits groupes dans la ville vers 14h15.

La plupart des manifestants décident alors de se rendre dans l’Est parisien pour rejoindre le parcours autorisé qui commence à 14h30.

 La manifestation autorisée.
 Les rangs ont progressivement grossi.

Cette manifestation, qui se déroule sans incident particulier, rassemble environ 2 000 personnes (à la louche !). Beaucoup de chants… Une petite « manif sauvage » à l’arrivée quand même, lorsque plus de 500 GJ ne s’arrêtent pas dans le parc des Buttes-Chaumont, comme prévu, mais en sortent et continuent leur marche dans les rues adjacentes. La police a commis l’erreur de les laisser seuls dans le parc ! Ces manifestants déambulent désormais dans ce quartier populaire, de façon pacifique. Vingt-cinq minutes plus tard, les forces de l’ordre finissent par se déployer tranquillement et parvient à faire fuir les contestataires.

Moralité : les autorités ne voient aucun inconvénient à autoriser les trajets à la périphérie de l’Ouest parisien (comme la semaine dernière), ou dans l’Est (comme aujourd’hui et comme les traditionnels parcours syndicaux République – Bastille – Nation), pourvu que les lieux de pouvoir et/ou fréquentés par les touristes soient préservés. Preuve que lesdites autorités sont quand même soucieuses de leur image à l’étranger !

Sinon, il y a également eu des manifestations dans les grandes villes de France. À Rennes, une foule plus importante qu’à Paris a participé à une manifestation non déclarée (la presse cite 900 personnes, il faut donc au moins multiplier par cinq !), suivies de quelques heurts.

 Acte LXVI à Rennes.

Selon le quotidien Le Parisien, à Rennes, « la police a fait usage de gaz lacrymogènes et utilisé des engins lanceurs d’eau ». Des manifestants « casqués, équipés, ont cherché dès le début à contourner le dispositif et à aller à l’encontre de la police, jetant des projectiles et cherchant à blesser les fonctionnaires », a indiqué la préfecture d’Ille-et-Vilaine.

Enfin, signe de la « Giletjaunisation » des esprits, après les syndicalistes, les avocats en grève reprennent désormais en chœur le « On est là ! ».

« On est là, on est là ! Même si Belloubet n’veut pas, nous est là ! Pour l’honneur des défenseurs et pour un monde meilleur, même si Belloubet n’veut pas, nous on est là ! »

La preuve en image :

Les gens de robe reprenant les chants de la canaille jaune ! Où va-t-on ?

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