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Dans la tête d’un Gilet jaune, Acte LXII

Tous les dimanches, suivez avec notre reporter le cortège des Gilets jaunes. Aujourd’hui, l’acte LXII et la grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites.

Départ de la manifestation des GJ prévu ce samedi à 11 h porte de Champerret. Le cortège s’épaissit rapidement avant d’arriver à la gare Saint-Lazare. Beaucoup de monde, 10 000, 15 000 personnes ? GJ, syndiqués de base, sous-prolétaires « white trash » , cheminots et enseignants grévistes, étudiants politisés (plutôt à l’extrême gauche mais pas toujours), antifas, jeunes casseurs vêtus de noir et masqués, etc. Les femmes sont nombreuses, comme d’habitude.

Beaucoup chantent les chansons des GJ, même ceux qui ne portent pas le gilet. Tout le monde s’entend plutôt bien, il n’y a pas de défiance entre les différentes catégories de protagonistes.

C’est un Acte national et l’affluence est réelle, car beaucoup sont venus de province, malgré les difficultés de transport.

Les apparatchiks des grandes centrales syndicales sont évidemment absents. Grande est d’ailleurs la défiance des manifestants à leur égard. Seuls des syndicalistes de SUD (extrême gauche) et quelques CGTistes de base arborent leurs couleurs.
Deux parenthèses :

1/ Hier, quelques dizaines d’individus se sont introduits au siège de la CFDT en chantant le « On est là ! » des GJ. En images :

2/ Le président Macron a également reçu la visite d’un groupe de chanteurs du « On est là ! » alors qu’il assistait à une représentation théâtrale dans le Xe arrondissement. En images également :

La mobilisation d’aujourd’hui confirme que le mouvement GJ a bien rebondi après un bref passage à vide fin novembre. Son esprit de combativité nourrit le mouvement des grévistes, et certains d’entre eux viennent désormais se joindre à ses manifestations. La présence notable d’étudiants ne s’était quant à elle pas vue depuis plus d’un an.

Arrivés près de la gare Saint-Lazare, rue de Londres, les manifestants sont bloqués pour une raison indéterminée. Les CRS les entourent complètement, mais voulant visiblement éviter toute confrontation, ils affichent une attitude sereine.

L’église de la Sainte-Trinité passée, dans la rues plus larges qui mènent jusqu’au boulevard de Magenta, les motards « voltigeurs » et les compagnies d’intervention (CSI) effectuent plusieurs « raids » visant à interpeller certains individus dans la foule, ce qui déclenche à chaque fois des heurts ou des tensions. Pendant ce temps, les CRS positionnés sur les côtés restent stoïques et regardent leurs collègues agir. Après une bousculade, un contestataire reste stupéfait d’avoir été relevé par le CRS devant lequel il était tombé.
Pour mémoire, les CRS sont des professionnels du maintien de l’ordre (entre autres missions), ce que ne sont pas les CSI, qui apprennent ce métier plutôt sur le tas.

CRS (casque à bandes jaunes)CSI (casque à bandes bleues)

Aujourd’hui, dès qu’ils commencent à être en difficulté ou face à un groupe, les CSI et les motards envoient du gaz…
Dans le défilé, certains individus sont interpellés pour une raison mystérieuse, comme ce jeune trentenaire sans signe particulier (ni masqué ni armé) qui marche à la gauche du cortège, à moins de cinq mètres des CRS placés du même côté, et qui se fait embarquer par des CSI venant de l’autre bord de la chaussée. Qu’ont-ils bien pu voir, à travers la foule, que n’auraient pas vu les CRS près de lui ? L’intéressé est d’ailleurs fort surpris d’avoir été appréhendé, ce qui n’empêche pas qu’il soit traîné par terre avant d’être écrasé par les policiers plutôt fébriles, soucieux de ne pas recevoir de projectiles. Il est permis d’espérer que les CSI et les motards de la BRAV (casques blancs) savent ce qu’ils font et qu’ils n’interpellent pas au petit bonheur la chance.

On entend également des explosions, pétards lancés par des manifestants et grenades de désencerclement de la part des CSI.
Il ne semble pas y avoir d’unité d’actions dans la police, chacun agissant de son côté : CRS (pacifiques), compagnies d’intervention (agressives), motards (très agressifs). Un canard sans tête !

Les blocages réguliers de la tête du cortège et les interpellations au milieu de la foule ralentissent considérablement la marche.
L’ambiance devenant électrique, des jeunes en noir (black blocs, antifas ?) se mettent en tête du défilé, rue de Châteaudun. Gaz à nouveau… Les activistes se fondent alors dans la masse.

Après la gare de l’Est, une « manif sauvage » formée par quelques centaines de manifestants rue du faubourg Saint-Martin, génère encore quantité de gaz. Les CRS, visés par des projectiles, reculent prudemment au niveau de la gare de l’Est, laissant les CSI intervenir dans la confusion.

Le défilé repart ensuite en direction du canal Saint-Martin. La tension est retombée.
Boulevard Richard Lenoir, de nombreux manifestants passent du côté gauche, qui leur est normalement interdit. Débordés par le nombre, les CRS qui les suivent en file indienne ne leur opposent aucune résistance et finissent par rejoindre tranquillement leurs collègues. Les policiers, CRS, CSI et motards arrosent ensuite copieusement les lieux de gaz pour contrecarrer cette « manif sauvage« .

Les contestataires se vengent sur quelques poubelles qu’ils incendient sur leur passage, y jetant parfois des sapins.

Boulevard Richard Lenoir 

Après quelques épisodes du type « jets de projectiles et de pétards contre grenades de désencerclement et gaz massif« , le défilé reprend mais la tension est nettement plus forte. Comme en témoignent les chants GJ, le gaz galvanise et soude les participants. Ils n’ont pas fait le voyage pour rien ! Ils reviendront !

Attention, les Américains sont bien capables de faire un film à grand spectacle sur les GJ un de ces quatre !

À Bastille, la longue pause prévue dans le parcours (après celle de la Trinité) calme les esprits, malgré la présence massive des forces autour de la place. Puis c’est le départ vers la gare de Lyon, terme de la manifestation.
Rue de Lyon, des interventions des CSI dans la foule ravive la tension, alors que le cortège arrive en vue de la tour de l’horloge de la gare de Lyon.

Mais sans qu’il n’y ait eu d’incident à ce moment-là, la tête du défilé est bloquée au bout de la rue. La foule s’agglutine alors, et commence à s’impatienter parce qu’elle veut terminer le parcours (selon la déclaration déposée en préfecture). Les CRS postés sur les côtés paraissent débonnaires, comme au début, malgré les slogans antipoliciers scandés par les antifas («  À bas l’Etat, les flics et les fachos ! », etc.).
Au milieu du cortège, du gaz lacrymogène est lancé pour une raison indéterminée, ce qui engendre encore un mouvement de masse vers l’avant. Heureusement, les gens y sont habitués ne paniquent pas ! Chacun à son truc contre le gaz : masque, vinaigre, citron, huile essentielle à base d’eucalyptus (un must !), etc.

La foule s’impatiente et fait un peu pression contre la police qui barre l’arrivée. Ce qui devait arriver arriva : coups de matraques immédiats, puis tirs de gaz lacrymogènes, non seulement contre les premiers rangs (déjà superflus, vu que les manifestants avaient reculé) mais au moins à une distance de 200 mètres en arrière de la tête du cortège, dans une rue densément occupée ! Sur un parcours déclaré ! Il faut savoir qu’un nuage gaz se répand très largement…
Les ordres de la préfecture étaient donc de barrer l’arrivée de la manifestation puis, à la première pression de la foule impatiente, de gazer des milliers de personnes ! (Les images sont disponibles dans le reportage en direct de RT, entre 2 h 12 mn 40 et 2 h 15 mn.) Comme le montre ce média, les CRS placés sur le côté, qui ne témoignent d’aucune agressivité contre les manifestants, sont également atteints par le gaz lancé par leurs collègues !

On reconnaît là la patte de M. Lallement !


Soit, « la force prime le droit« , comme disait Bismarck et d’autres avant lui… Mais Macron-Castaner-Lallement seront-t-ils toujours les plus forts ? La roue tourne !

Après les tirs de gaz lacrymogène, les manifestants ne se démobilisent pas et repartent bientôt vers le lieu d’arrivée prévu. Cette fois-ci, les forces de l’ordre se sont retirées ! Alors pourquoi avoir bloqué le passage cinq minutes plus tôt ?
Mais alors que la foule arrive pacifiquement et en chantant, nouveaux jets de gaz massifs sur le lieu d’arrivée ! (Voir 2 h 17 mn 30 à 2 h 20 mn sur le reportage de RT.)
Ce n’est plus « la force prime le droit » mais « la France, pays des droits de l’homme donneur de leçons, n’est plus un État de droit » ! Digne d’une république sud-américaine ! Ni la justice, ni la presse ne s’en soucieront d’ailleurs.

Des manifestants renvoient des grenades lacrymogènes sur les motards qui se replient. Une fois les nuages de gaz dissipés, la foule déterminée à exercer ses droits, investit à nouveau les lieux.


Quand des activistes incendient une poubelle alors que la foule, dans sa grande majorité, est pacifique, les motards arrosent encore tout le monde de gaz, avant de devoir eux-mêmes se retirer parce que le vent leur est défavorable et que des grenades leur sont renvoyées ! (Voir 2 h 27 mn à 2 h 29 mn sur le reportage de RT.

Il faut savoir que les sapeurs-pompiers pourraient intervenir seuls sur un incendie, comme ils l’ont fait régulièrement lors de tous les actes GJ. Dans ce cas, ils sont d’ailleurs très souvent applaudis par les manifestants qui leur témoignent un grand respect, ce qui dissuade d’éventuels casseurs d’exercer une quelconque violence à leur encontre. Mais les motards ont visiblement envie d’en découdre… Comme d’habitude !
Les ordres étaient manifestement contraires, mais un officier décide de permettre à ceux qui veulent sortir, de partir par groupes de cinq et sans gilet. À l’autre bout de la manifestation cependant, côté Bastille, les gendarmes mobiles, avec leurs masques à gaz, restent intransigeants et ne permettent à personne de passer, même quand le gaz atteint la foule ! Les ordres sont les ordres ! Heureusement pour l’ordre public, les manifestants les plus déterminés étaient à l’autre bout, du côté de la gare de Lyon, car il y aurait pu y avoir des heurts conséquents à cet endroit.
Depuis quand n’a-t-on plus le droit de quitter une manifestation, surtout quand les gaz, lancés de très loin à la cantonade, arrivent sur vous ?
Puis, c’est à nouveau une pluie de lacrymogènes qui s’abat sur le lieu d’arrivée. Le but est de disperser la foule. Beaucoup se demandent alors : « à quoi sert de déclarer les manifestations ?« . (Voir 2 h 31 mn 17 à 2 h 32 mn sur le reportage de RT.)
D’un côté, les motards cherchent à disperser les manifestants, de l’autre, les gendarmes mobiles et les CRS ont reçu l’ordre de ne laisser sortir personne. Encore une fois, l’officier de CRS, un ancien, a hésité plusieurs minutes avant d’autoriser une sortie « perlée« . Le brave homme !
De nombreux manifestants reviennent quand même, une fois le gaz dissipé.
Comme certains contestataires sont également belliqueux, une cabane de chantier est incendiée devant une brasserie. Les motards tentent une incursion mais doivent reculer, sous les huées et les moqueries, à cause du gaz qu’ils viennent de lancer !
La police change de stratégie et fait intervenir le canon à eau. Les GJ chantent « On est là !« . Des touristes passent précipitamment avec des valises, au milieu du grabuge. Un autre incendie spectaculaire est allumé dans la rue de Lyon ; c’est un scooter qui brûle. En réponse, les motards envoient des grenades, avant de se retirer rapidement. Des CSI munis de LBD paraissent extrêmement fébriles et visent on ne sait qui dans la foule, du côté de la gare, alors que les premiers manifestants sont loin d’eux. Seuls les CRS paraissent garder le contrôle de la situation.
Plus tard, les motards entreprennent de pousser les irréductibles vers la sortie (il y a encore du gaz, en réponse à des feux de poubelles) et des centaines d’individus se retrouvent sur le boulevard Diderot. Le mot d’ordre est lancé : « à Nation ! » Sur le chemin de cette manif sauvage, il y a de la casse : des voitures et des scooters retournés, des poubelles renversées et parfois incendiées, des barrières jetées au milieu de la chaussée (pas de quoi les rendre très populaires auprès des habitants du quartier, mais pour certains casseurs, les Parisiens sont tout simplement des Macronistes ! Vous parlez d’un alibi !), avant que la police n’intervienne en poursuivant les « ultra-jaunes » (selon le mot de Castaner) et les casseurs, en les arrosant de grenades lacrymogènes, pour changer (mais cette fois-ci après les sommations réglementaires). Les groupes se séparent à Nation. Quelques individus sont interpellés.
Macron devrait les comprendre, lui qui avait envisagé sérieusement de fêter le cinquantième anniversaire de Mai 1968 !

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