Je vis à Rome alors que ce sont la Lombardie et le Veneto qui sont les plus touchés mais ce n’est qu’une question de jour avant que les cas se multiplient ici aussi. Paradoxalement, on parle des quelques milliers de cas, certes mortels pour les personnes les plus faibles et provoquant des jours d’alitement dans de nombreux cas, mais personnellement je ne connais personne qui a contracté ce virus, ni personne qui connaitrait quelqu’un ayant contracté ce virus. Personne ne semble malade mais les mesures prises par le gouvernement sont inquiétantes.
Fermeture des écoles, interdiction de rassemblement pour les manifestations culturelles, fermetures des discothèques, quotas dans les bars, l’économie de Rome est au point mort (NDLR : depuis hier, tous les commerces de la péninsule sont fermés, à l’exception des magasins d’alimentation et des pharmacies). Le premier secteur touché est celui de l’hôtellerie. Avec des annulations jusqu’au mois de juin, de nombreuses structures sont aux abois et déjà, les premiers licenciements économiques ont commencé ou sont envisagés à court terme. La restauration dans le centre-ville est sinistrée. La situation est donc paradoxale, les mesures prises sont sur le point de créer la plus grave crise économique depuis 70 ans, 10% des entreprises italiennes risquent de ne jamais se relever mais en même temps le message officiel est très alarmant et ces mesures extrêmement coûteuses semblent nécessaires selon le gouvernement. Le contraste avec la quasi-absence de mesures restrictives en France est criant…
Pour ce qui est du quotidien, depuis la fermeture des écoles, les rues sont très tranquilles. Les salariés et les fonctionnaires voient désormais d’un mauvais œil de rester au contact du public. À l’Esquilino où je demeure, les boutiques tenues par les Chinois ferment une à une, officiellement pour des vacances mais souffrant certainement depuis déjà le début de la crise sanitaire de la désaffection des clients. L’activité que je possède à connu une baisse de fréquentation mais heureusement ne dépend pas seulement des touristes pour survivre. Dans les marchés et supermarchés, on croise de nombreuses personnes portant des masques donnant lieu parfois à des scènes cocasses entre celui portant le masque anti-poussière vendu avec les ponceuses, ceux portant des masques agrées mais qui devraient être changés toutes les quatre heures et même, croisé ce matin, celui qui porte sur le nez et la bouche un masque fait pour les yeux, de ceux distribués dans les avions pour dormir…
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Chaque jour, les mesures de restriction sont renforcées. Les visites aux amis ou à la famille sont prohibées « sauf motif grave », les promenades sont interdites « sauf pour promener son chien mais en restant à proximité de son domicile et pour un parcours bref », les déplacements doivent être réduits au minimum. La peur s’installe peu à peu et les gens restent confinés chez eux. Signe des temps, le site pornographique « Pornhub » a annoncé qu’il rendait accessible sa version « premium » gratuitement en Italie ! Toute vie sociale étant en voie d’interdiction, il faut bien que les gens s’occupent… Un vrai scénario de film d’anticipation sur la mise en place d’un système totalitaire pour faire face à une crise sans précédent…
L’incertitude demeure donc, le pic de la crise n’étant apparemment pas passé encore. Les précautions viseraient principalement à éviter une trop forte demande de lits d’hôpitaux par rapport à l’offre. Il faut dire qu’en Italie, les coupes budgétaires dans le domaine de la santé représentent 37 milliards d’euros en 10 ans, autant dire que les structures et les personnels ne pourront pas faire face à la crise si les cas se multiplient trop rapidement.
Dans un pays qui vivait déjà une crise économique forte depuis le passage à la monnaie unique, les Italiens sont clairement très inquiets pour le futur et très mécontents d’être montrés du doigt comme le foyer de l’infection en Europe. L’affaire de « la pizza » de Canal +, blague potache et de mauvais goût dans l’émission « Groland » mais blague tout de même, a été perçue comme un coup bas porté à un voisin déjà mal en point et la côte de popularité de la France en a souffert.
Reste à espérer que la crise sanitaire se résolve avec l’arrivée des chaleurs printanières comme c’est en général le cas avec les différentes infections pulmonaires. Espérons aussi que soit entamée une réflexion plus profonde sur le sens de cette mondialisation des échanges et l’abandon des frontières que l’on nous impose depuis des décennies. Ce système, mis en échec en quelques semaines par un simple virus, a démontré son extrême fragilité et il apparaitrait suicidaire de ne pas en tirer des réformes profondes en terme de relocalisation et d’autonomie.
Pierre d’Her