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La crèche avec l'âne et le bœuf

Conte de Noël à la manière de Pierre Gripari

Le merveilleux Pierre Gripari (1925-1990) a beaucoup écrit pour les jeunes (et les moins jeunes). Il lui est même arrivé d’adapter certains contes de Noël tirés de l’œuvre de Charles Dickens. Griparien dans l’âme, Lionel Rondouin s’est risqué à une adaptation à la manière de l’auteur des « Contes de la rue Broca », à mi-chemin de la sotie et de l’épigramme voltairien.

Un jour, au XVIIIe siècle, dit-on, mais l’histoire est sans doute apocryphe, un père jésuite et un frère franciscain s’entretenaient d’une controverse théologique. 

C’était un temps où les deux ordres venaient de s’affronter brutalement en Amérique espagnole. Les Bergoglio1 de l’époque l’avaient emporté, notamment au Paraguay, sur les Franciscains, frères de tous les hommes, apôtres d’une pauvreté exemplaire et d’une architecture de bois, spartiate, à la taille de la communauté humaine vivante (la paroisse rurale), aux lignes claires et rectilignes. Les Jésuites, forts de l’appui de la monarchie espagnole, avaient imposé les ors d’une architecture politico-religieuse monumentale de pierre, faite de courbes et de circonvolutions à l’image de leur logique courtisane et impériale et, comme à Cuzco, la cathédrale jouxtait la Maison de l’Inquisition.

La Compagnie de Jésus

Adonc, les deux bons pères discutaient d’un thème plus important qu’il n’y paraît aujourd’hui : notre Seigneur est-il né les yeux ouverts ou les yeux fermés ?

Le père jésuite argumenta sans barguigner que le Christ était né les yeux grands ouverts, signifiant ainsi sa volonté d’envisager le monde dès la naissance, afin d’en considérer la magnitude et donc les difficultés extrêmes de sa mission rédemptrice, mais aussi d’affirmer sa prise de possession sur ce monde, en homme fils de Dieu. Les yeux grands ouverts sur le Monde, notre Seigneur défiait déjà le Mal et ses affidés, et annonçait, quoique infime dans ses langes de poupon et misérable dans sa crèche de fortune, qu’il affronterait un jour les marchands du temple et les pharisiens.

Le frère franciscain écouta tout cela d’un air benoît, manifestement respectueux de la capacité évocatrice du père jésuite.

Il profita cependant d’un instant où le jésuite reprenait son souffle épique pour oser une objection : « Mon bon Père, tout cela est bel et bon, et je ne saurais en conscience en contredire les raisons, mais, je vous le dis en toute humilité, il se pourrait cependant que la réalité en fût quelque peu différente. Quid, mon bon Père, si Jésus notre Seigneur était né les yeux clos, puis les avaient ouverts sur le monde, puis les avaient refermés incontinent ? »

« Voilà qui est bien original », dit le jésuite.

« C’est pourtant bien simple, répondit le franciscain. Notre Seigneur naquit les yeux fermés, comme tout homme. Puis il les ouvrit et regarda à gauche, il vit un bœuf. Il regarda à droite et vit un âne. Alors, peut-être de désespoir, il referma les yeux en soupirant : « Ah, si c’est ça, la Compagnie de Jésus2… »

1. Le pape François, Jorge Mario Bergoglio de son vrai nom. Méfiez-vous d’un jésuite qui se fait appeler François. Cela ne peut être qu’un faux-cul…

2. La Compagnie de Jésus, dont les membres sont les « Jésuites ».

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