On prête cette phrase à Marie-France Garaud : « François Mitterrand a détruit la Ve République par orgueil, Valéry Giscard d’Estaing par vanité et Jacques Chirac par inadvertance. » Aujourd’hui, Emmanuel Macron n’en finit plus de détruire le macronisme ; et ce par aveuglement, enivré qu’il est par l’idée qu’il se fait de son intelligence. À l’origine, ce jeune VGE entend réunir les centres, de gauche et de droite. Soit deux Français sur trois, pour reprendre la formule de son prédécesseur déplumé. Cette alliance au sommet du fameux « cercle de la raison » était censée faire à jamais passer l’envie à nos compatriotes de voter Le Pen. Au passage, il se fait fort de casser à la fois le Parti socialiste et l’UMP. Mission accomplie. Il ne reste quasiment plus rien de ces deux partis. Quant à la chute annoncée du Rassemblement national, on voit bien que tout ne s’est pas exactement passé comme prévu. Là où il est, Joseph Schumpeter doit applaudir : ça, c’est de la « destruction créatrice », ou on ne s’y connaît plus.
Sébastien Lecornu, le « moine-soldat »…
En attendant, Sébastien Lecornu, à peine démissionnaire, repart en mission. Emmanuel Macron ne lui a manifestement pas laissé le choix, sachant qu’il était le seul à accepter de se sacrifier, lui, le « moine-soldat ». Bien vu : seul, tel un « moine », c’est également « seul » qu’il s’en va au casse-pipe, tel un « soldat ». Entre-temps, les LR avancent bien le nom de Jean-Louis Borloo pour Matignon : mais celui-ci a jugé plus prudent de partir en vacances. Alors que personne ne lui demandait rien, Xavier Bertrand répond, quant à lui, qu’il préfère privilégier son « ambition présidentielle ». L’espoir fait vivre.
Le PS roulé dans la farine…
Celui qui se voyait bien rue de Varenne, c’était Olivier Faure, premier secrétaire du PS. Tout comme Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, qui n’aurait pas craché sur un maroquin, fut-ce en CDD. Emmanuel Macron le leur avait fait miroiter. Ils l’ont cru. Ces gens ont décidément encore beaucoup à apprendre en politique. Pour prix de leur ralliement, Élisabeth Borne leur avait même promis de suspendre sa loi sur les retraites, pourtant totem emblématique du macronisme. D’où la fureur de ce qui demeure de l’aile droite du socle commun ; sans oublier celle des écolo-socialistes ayant, non sans raison, le sentiment de s’être un brin laissés rouler dans la farine.
Résultat ? Avec cette humiliation inutile, Emmanuel Macron se prive de son flotteur gauche. Mais celui de droite n’est guère plus vaillant, tel qu’en témoigne le psychodrame ayant ébranlé le musée Grévin du gaullisme, ce samedi dernier.
Les LR au bord de l’implosion…
Chez eux, la fracture est double : d’un côté, Bruno Retailleau, président du parti et ex-futur espoir de la droite de gouvernement, tout comme son challenger malheureux, Laurent Wauquiez, de l’autre. D’un point de vue moins personnel, le premier vient de quitter le boutre en perdition, tandis que le second aimerait bien y monter. Ce qui implique, pour les partisans de Wauquiez, de faire des concessions aux socialistes, alors que ceux de Retailleau plaident pour un soutien sans participation ; ce qui vaut toujours mieux que le contraire. Finalement, c’est cette dernière position qui prévaut et tout élu des Républicains acceptant de devenir ministre se verra aussitôt expulsé du parti. Avec six maroquins acceptés par les membres du parti, Bruno Retailleau risque de trouver les prochaines journées bien courtes. Le gros morceau, ce sera évidemment Rachida Dati, que les LR ne peuvent se permettre de débrancher, à moins de perdre tout espoir de faire revenir Paris dans le giron de la droite, lors des élections municipales de 2027. Histoire de clarifier la situation, David Lisnard, le maire de Cannes, président de l’Association des maires de France et de son propre parti, Nouvelle Énergie, mouvement proche de LR, réclame tout bonnement la démission d’Emmanuel Macron. Cher ami lecteur, on espère que vous suivez attentivement : on ramasse les copies dans deux heures.
La vengeance d’Éric Ciotti…
Celui qui rigole devant le spectacle, c’est évidemment l’éternel mal-aimé Éric Ciotti, l’ancien patron des LR parti rejoindre les troupes lepénistes. Dans une lettre publiée par Le Journal du dimanche, ce 12 octobre, il appuie là où ça mal, soit la trouille de ses anciens amis de ne pas retrouver leurs mandats électifs en cas de dissolution : « Si je vous écris aujourd’hui, ce n’est pas pour rouvrir les plaies du passé, mais pour préparer ensemble l’avenir, en responsabilité. (…) Si nous parvenions à réaliser l’union des droites, nous dépasserions 50 % des voix dès le premier tour, faisant élire plusieurs centaines de députés. » Il est vrai que son accord avec le RN avait recoupé en deux un parti qui venait déjà de l’être, une moitié étant partie chez Emmanuel Macron. Mais la dernière moitié restante pourrait aussi l’être à son tour, en cas de divorce entre Retailleau et Wauquiez, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un, qui sera à la fois unique Président et seul militant. On se croirait chez Les Dix petit nègres d’Agatha Christie.
Dissolution : la logique de LFI…
Si l’on résume, le résident de l’Élysée est en train de couper toutes les branches sur lesquelles il était encore à peu près assis. Plus grave pour lui, Édouard Philippe, son Premier ministre historique et principal pivot du bloc central plus haut évoqué, appelle, lui aussi, à la démission de son mentor. À croire que le cercle de la raison puisse désormais se montrer de moins en moins raisonnable devant la menace à venir, soit une dissolution qui devient de plus en plus inévitable. Sans surprise, Jordan Bardella et Marine Le Pen l’attendent de pied ferme. Un pied d’autant plus ferme qu’ils sont en position de force, au contraire de leurs concurrents. Parmi ces derniers, seule La France insoumise demeure politiquement cohérente, appelant de ses vœux cette même dissolution. Ils savent avoir beaucoup à y perdre, mais acceptent d’en prendre le risque. Logique, car eux, à l’instar du RN, font aussi de la politique. Si le parti lepéniste sort du chapeau, ils joueront la carte de la rue, en bons trotskistes qu’ils sont. Quant à Macron, un tel scénario ne serait pas pour lui déplaire, puisque lui permettant de se poser en vigie de la démocratie, face à l’hydre populiste. Cette hypothèse, évoquée la semaine en ces colonnes, prend corps peu à peu, ayant été confortée ce dimanche sur LCI, par Henri Gaino, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy et fin connaisseur des arcanes politiciennes. Ce serait peut-être le coup de grâce donné au macronisme ; mais peu importe à Macron, tant qu’Emmanuel survit. Narcisse un jour, narcisse toujours, comme on dit.