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Couverture pastiche de L'observateur

Coluche fasciste, Desproges antisémite et Dieudonné…

Dans L'histoire secrète du SOS Racisme, Serge Malik rappelle que l'insoupçonnable Pierre Desproges a refusé de prendre sa carte à SOS Racisme parce qu'il n'y avait que des juifs et des socialistes !

Pas de doute : un bon humoriste est un humoriste mort. Depuis le déclenchement de la quinzaine de haine anti-Dieudonné, que n’a-t-on entendu sur ce « comique qui ne fait plus rire» au contraire de Desproges et Coluche, qui étaient eux des vrais humoristes avec un grand H. « Dieudonné, c’est l’inverse de Coluche et de Desproges», nous a appris Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture, emboîtant le pas à toute la classe politique et médiatique française. « Coluche, Pierre Desproges étaient fins, au-dessus de tout soupçon, et appartenaient à la grande tradition de la farce». Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls est allé jusqu’à célébrer « le génie de l’humour d’un Desproges» contre « les petits entrepreneurs de la haine» comme Dieudonné.
    C’est oublier un peu vite qu’à l’époque, le quotidien Le Matin de Paris (24 novembre 1980), organe officieux du parti socialiste avait comparé les amateurs de Coluche, ce « clown aux discours ambigus» aux ligueurs fascistes (22 novembre), et Coluche lui-même à Hitler (24 novembre) ! Dans Le Nouvel Observateur, Guy Sitbon estimait que Coluche était un « chansonnier obscène» et même un « chansonnier anarcho-poujadiste» (24 novembre 1980). Avec un art consommé de l’insinuation, Le Monde s’offusquait que le comique utilise « un certain langage de droite ou plutôt d’un langage de droite certain qui n’a rien de particulièrement original. » À droite justement, Le Figaro voyait en Coluche le « fossoyeur du music-hall » et un « manipulateur d’excréments.» À sa mort, L’Humanité n’a pas caché pas le dégoût que lui inspirait l’humoriste avec « ses éructations de beauf, bref ses facéties que lui-même, au fond, ne trouvait peut-être pas si drôles. » Paresseux par nature, les journalistes ont simplement remplacé Coluche par Dieudonné !
    Intronisé Saint comique laïque autorisé et approuvé par le ministère de l’Intérieur, Pierre Desproges n’a lui pas toujours fait rire au parti socialiste. Dans L’histoire secrète du SOS Racisme, Serge Malik rappelle que l’insoupçonnable Pierre Desproges a refusé de prendre sa carte à SOS Racisme parce qu’il n’y avait que des juifs et des socialistes ! Le chapitre s’intitule : «Du showbiz à l’UEJF en passant par Libé». Et Serge Malik de conclure : «Nous eûmes alors, Hervé et moi, une longue discussion sur l’antisémitisme de Desproges. Je prêtais volontiers ce préjugé à l’humoriste disparu. Hervé tentait de me faire comprendre que ce n’était pas aussi simple. Nous étions en train de nous fâcher, lorsqu’Hervé se saisit à nouveau du téléphone, interrompant le round. Et voilà qu’il remettait ça sur le même sujet, avec Bedos cette fois. Ce dernier lui expliquera qu’être « antisémite, pour Desproges n’était sans doute pas très différent d’être “antitélé”, “ antichar”, “anticancer”, “antinucléaire”, “antijarretelles”, “antivieux”. »
    Alain Jakubowicz, le président de la LICRA a été plus conséquent que le ministre de l’Intérieur en estimant qu’aujourd’hui, il demanderait l’interdiction du fameux sketch de Desproges sur les Juifs.
Pas de doute, un bon humoriste est un humoriste mort…

2 réponses

  1. Bonjour, connaissant à peu près par cœur la totalité des livres, sketch et interview de Pierre Desproges je pense comprendre assez bien sa pensée. Ça ne me donne pas de diplôme de vérité absolue, mais tout de même.

    Et j’affirme que dire « Pierre Desproges a refusé de prendre sa carte à SOS Racisme parce qu’il n’y avait que des juifs et des socialistes » c’est n’avoir rien, mais alors rien du tout compris de la pensée de Desproges ! C’est être vraiment à côté de la plaque.

    Que Desproges soit récupéré à tout bout de champ, et en plus de façon erronée, on est bien d’accord !

    Mais là, avec tout le respect que j’ai pour monsieur Malik, vous reprenez la théorie de quelqu’un qui se trompe. Et qui reconnaît lui-même qu’à l’époque, du vivant même de Desproges, les gens lui expliquaient qu’il se trompait.

    Enfin que Alain Jakubowicz demanderait l’interdiction du sketch de Desproges confirme ce que je dis. Desproges n’avais rien contre « les juifs », il en avait contre le communautarisme et la bêtise. C’est donc logique que ce dernier se sente visé. Non pas en tant que juif, mais en tant que communautariste caricatural.

    Avec Desproges on est loin, très loin d’un Dieudonné qui explique sérieusement, hors spectacle et de façon parfaitement premier degré, que les juifs ont créé le SIDA en laboratoire pour génocider les noirs…

    Faudrait peut-être voir à voir à p’t’être pas tout mélanger.

    1. Bonjour,

      Pour vous répondre, dire que « Pierre Desproges a refusé de prendre sa carte à SOS Racisme parce qu’il n’y avait que des juifs et des socialistes » n’est pas être à côté de la plaque, c’est simplement donner le témoignage de Serge Malik (il n’a pas été le seul) et si vous lisez son témoignage dans son livre, sa conversation est assez éclairante. Il faut surtout relire le dossier de l’Obs de l’époque.

      Bien à vous,
      L’équipe d’éléments

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