Drieu La Rochelle, dans Adieu à Gonzague, écrivait que « le païen et le chrétien ont l’ancienne croyance, croient à la réalité du monde ». À coup sûr, c’est de cette race-là, celle des hommes d’une Europe virile mais toujours ouverte à la bonne disputatio, dont sont issues nos deux protagonistes, les philosophes Alain de Benoist et Thomas Molnar, pour ce duel autour de « l’éclipse du sacré », pour reprendre le titre de leur livre, que les éditions de la Nouvelle Librairie viennent de rééditer. Ces deux bretteurs nous offrent une mise au point des plus salutaires sur l’une des questions les plus cruciales de notre époque : la désacralisation. Si des convergences, notamment sur la technique ou sur le fétichisme économique, peuvent parfois réunir nos deux interlocuteurs ; des fractures – indépassables ? – apparaissent vite au détour de l’opposition christianisme-paganisme, transcendance-immanence. Réjouissons-nous cependant de ce que cette « querelle » qui, bien que rude et soutenue, conserve une courtoisie bienvenue tout en se gardant de tomber dans les mièvreries si répandues par les temps qui courent. Ces deux maîtres, et ce mot est le bon, nous empoignent par la peau du cou au gré de leurs pensées robustes et tonnantes. Et on en redemande ! Ici pas de répit, les entretiens frappent comme des coups de bouclier et chacun de nos deux hoplites philosophes, tels Ulysse et Achille, usent de leurs meilleures ripostes intellectuelles. Retour sur un texte qu’il faudra marquer, et cela est certain, d’une pierre blanche. De celles qui délimitaient, autrefois pour Rome, le « pomerium » – là où la frontière sacrée marquait la différence entre la ville et le territoire alentour.