Quatrième et dernière patrie de notre entretien exceptionnel avec le philosophe Éric Werner, qui nous conduit au cœur de notre sujet : pourquoi « prendre le maquis », pour reprendre le titre de son essai paru à la Nouvelle Librairie, et pourquoi le prendre avec Ernst Jünger ? D’abord parce que le grand auteur allemand a consacré au sujet un indispensable « Traité du rebelle ou le recours aux forêts ». Le rebelle, c’est pour Jünger le « Waldgänger », soit « celui qui marche en forêt ». Il y a en lui du maquisard, nous dit Éric Werner. Si un tel homme prend le maquis, c’est qu’il a face à lui un État total tout-puissant. Impossible de le défier frontalement. En revanche, on peut lui livrer une guerre défensive. De ce point de vue, le recours aux forêts relève du calcul stratégique. C’est une manière de renouer avec le politique, quand, précisément, le politique a déserté la cité. La forêt n’est pas une fin en soi, ni non plus seulement une retraite ; elle ouvre un nouveau front, celui des libertés, qu’il s’agit de sauvegarder… avant de les réintroduire dans la cité.