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« Bref » saison 2 : l’éternel retour du « mou-salaud »

« Bref »  saison 2 : l’éternel retour du « mou-salaud »

Aïe, ouille, la saison 2 de « Bref » débarque après dix ans d’interruption. Dix ans de répit pour nous. Icône malgré lui du « mou-salaud », Kyan Khojandi entame déjà sa tournée promotionnelle, écoulant sa camelote sous les rires de commande des animateurs télé. Mais derrière les hommages de pacotille et la nullité festive, une question demeure : jusqu’où le mou-salaud sombrera-t-il avant de se réveiller ?

Ça y est, le mou-salaud a quarante ans ! Enfin, il a surtout maintenant un nom et un visage… Celui de son époque – la nôtre hélas – et de cette France encore plus déprimante que déprimée… Il y a des gens comme ça – parfois même des pays tout entiers – qui ont le physique de leur mentalité. Kyan Khojandi ressemble à un petit cochon d’élevage, légèrement grassouillet – et encore pas du meilleur gras qui soit… – du genre petit porc translucide élevé artificiellement en batterie sans le moindre rayon de soleil. Pour comprendre l’essence du mou-salaud, il faut revenir à la chronique de Marc-Édouard Nabe, en janvier 93, quand ce dernier écrivait en guise d’introduction à son micro-pamphlet : « Le mou-salaud est mou et il est salaud. Il est d’autant plus salaud qu’il se croit seulement mou. » Et pour cette saison 2 de l’épiphénomène « Bref », c’est en l’occurrence un Kyan Khojandi qui nous revient plus mou que jamais !

Sans surprise, c’est dans l’antre ontologique du mou-salaud, chez Quotidien, sous le regard bienveillant et tutélaire du mou-salaud en chef, que Kyan Khojandi décide d’annoncer le lancement de la saison 2 de « Bref ». Pluie d’éloges prévisible de la part d’un Yann Barthès conquis d’avance ; mais pas d’euphorie triomphaliste pour autant chez Kyan Khojandi. Comme l’écrivait déjà Nabe à l’époque : « Le mou-salaud est un faux modeste : il a une haute idée de sa bassesse. » Anne-Élisabeth Lemoine, dans un élan d’enthousiasme maurassien, ira même jusqu’à qualifier de « divine surprise » le retour de Bref dans son émission « C à vous » ; quand on vous dit et vous répète que le pays se droitise !

Sur les plateaux comme dans le public, forcément on jubile ; toute la clique quarantenaire des mous-salauds – le Kyan Khojandi Klan – sera cette fois encore de la partie ! C’est si bon de partouzer entre copains au KKK ! Déjà, on évoque avec émotion Baptiste Lecaplain, Orelsan, Carlito sans son Mcfly, Jonathan Cohen et Pablo Mira, toute la cohorte surmédiatisée des humoristes pas drôles – mais que le Français moyen d’après la fin de la classe moyenne adore adorer –, tous les spécialistes autoproclamés du LOL, standupers embourgeoisés, improvisateurs improvisés et déblatérateurs sur commande de conneries efficaces comme des moulins à vaseline. Ne manquent à l’appel, pour que la partouze soit complète, que Mouloud Achour et Romain Duris, où sont-ils ? Quoi, Romain Duris, l’éternel étudiant pour toujours en Erasmus autour du globe, aurait déjà cinquante ans ? C’est fou, la fin du monde va si vite quand on y pense ! Et puis ce temps bizarre qui ne passe pas et ne cesse pourtant de s’accélérer… Mais que les bons Franco-Tuche se rassurent, ils pourront compter sur la présence à l’écran de Jean-Paul Rouve, venu assurer avec le brio qu’on lui connaît le passage de témoin d’une génération de mous-salauds à l’autre…

Le mou-salaud face à l’accélérationnisme islamiste

Si Marc-Édouard Nabe pouvait encore écrire, au début des années 90, que « le mou-salaud n’a pas d’idéal, il n’a que des idées », on peine en réalité à trouver aujourd’hui chez lui encore un embryon d’idée… Le mou-salaud, tout compte fait, c’est pas grand-chose de plus qu’un mode de vie – mais un mode de vie qu’il saura défendre mordicus et si besoin jusqu’au bout de son vide. D’accord le mou-salaud est un militant post-politique, il se défend à coup de mouchoirs et de bougies ; mais il sait également sortir les griffes à l’occasion, dès lors qu’il se sent menacé dans son être profond. Il suffit pour cela de voir avec quelle hargne post-adolescente le pauvre Yann Moix – qui disait pour une fois quelque chose d’intelligent, ça lui servira de leçon ! – s’est fait lyncher par une cyber-meute post-courageuse pour avoir osé proférer haut et fort cette vérité évidente, à savoir que tout adulte de plus de 25 ans jouant encore aux jeux-vidéos serait au fond un « demeuré ».

S’il est de moins en moins « Charlie » – au moins ça ! –, le mou-salaud demeure plus que jamais cool et « Bataclan ». Et quand Baudelaire affirmait en son temps que la « vraie civilisation » réside dans « la diminution des traces du péché originel », la post-civilisation en toc du mou-salaud s’emploie quant à elle de toute son absence de force à la dissémination universelle de ces mêmes traces… Non, le mou-salaud n’est pas méchant – on pourrait même à tort le croire faussement inoffensif ; mais c’est un pauvre bougre constamment trompé à son insu par l’idée qu’il se fait – et dont il n’arrivera jamais à se défaire – du Bien.

On aura ainsi pu observer en direct, le 7 janvier dernier, sur toutes les places de la République de France, la toute dernière génération de mous-salauds se regrouper – comme elle sait si bien le faire – en tas, au moment même où la mort de Le Pen renvoyait – fort symboliquement – l’attentat de Charlie Hebdo perpétré dix ans plus tôt à son juste niveau : celui d’un simple détail dans l’histoire de l’islamisation du pays. Oui, ces cons-là – mi-chic mi-crasseux – ont bien dansé, et ils continueront à danser jusqu’au bout de la nuit en buvant des canettes et fumant des pétards ; ils continueront à se trémousser de la même manière jusque dans la mort, noyés dans leur propre sang, quand l’accélérationnisme islamiste aura enfin véritablement lancé son processus d’éradication du mou-salaud. Car le drame insoupçonné du mou-salaud, c’est qu’il finira un jour à droite pour défendre son petit mode de vie dégueulasse ; et le drame de moins en moins insoupçonnable de la droite, c’est qu’elle finira par défendre le mou-salaud pour sauver la France d’une autre fin que celle que le mou-salaud lui réserve.

Cogito, Lego® sum

La petite nouveauté avec ce « Bref » saison 2, c’est que le mou-salaud commence à fatiguer de lui-même. Oui, le mou-salaud sature de la partouze métropolitaine. Il voudrait fuir la partouze, se met à rêver de verdure, de brunch sans alcool et d’une colloc’ enfin apaisée. Mais le problème avec le mou-salaud, c’est que l’esprit de partouze lui colle à la peau… Oui, il lui colle à la peau comme une vulgaire crotte de teckel qui collerait sans fin sous ses Sneakers. Car le sexe, en fin de compte, n’est qu’une modalité infime – oh combien négligeable ! – de la partouze terminale. Et c’est tout au bout de son petit moi, bien salaud et vieillissant, que le mou réalise qu’il n’y a pas de communion possible – même sous perfusions psychotropiques – dans la sexualité… C’est là tout le drame du mou-salaud, mais c’est là aussi que débute alors pour lui la véritable partouze ! Il faut avoir vu cet interview de Kyan Khojandi, déblatérant sur les rêves accomplis de sa petite vie de quarantenaire épanoui, pour comprendre tout cela, pour percer ce qui se trame sous sa petite joie morbide de pouvoir, à quarante ans, recommencer à jouer tranquillement chez lui aux Lego® sous les yeux d’une adorable petite épouse venue enfin remplacer dans une version « cool » sa petite mamounette.

Oui, il faut imaginer la « molle-salope » revenue elle aussi, avec ses premières rides colmatées à l’acide hyaluronique et ses seins qui n’en finissent plus comme elle de tomber toujours plus bas, de son je-m’en-foutisme primesautier, s’en allant perdre un peu plus loin dans le défilé de ses années son moi ésotérique sous diverses formes de dérives bouddhisto-tantriques, pendant que lui, son cher et tendre mou-salaud, entre deux sessions de machine à laver et de repassage, s’échine à dissoudre son pauvre petit égo minable au milieu de tous ses petits Lego® sordides disséminés sur le sol de son petit loft parisien. Car encore une fois, c’est bien entendu Marc-Edouard Nabe qui avait parfaitement su dès l’origine cerner sa nature profonde : « Le mou-salaud est un homme du vide. Le plein le dégoûte. » Alors il lui faut sans cesse rapidement retrouver un nouveau vide, s’y replonger toujours plus profondément, continuer coûte que coûte à creuser l’infinité du rien au creux de son propre néant.

La fin du monde avant la saison 3

« Bref » saison 2 – rassurez-vous, je ne l’ai pas regardé –, c’est à peu près ça ; c’est le spleen peu ragoûtant d’un Homo festivus revenu – et encore qu’à moitié, le mou-salaud ne sachant jamais rester qu’au milieu du gué dans son élément liquide – de sa petite frivolité hédoniste accablante de lourdeur. C’est l’éternel retour post-historique du syndrome des « Petits mouchoirs » – d’une bande de mous-salauds à l’autre –, réitéré tous les dix ans, à chaque nouvelle crise de la quarantaine, lorsque la vieillesse, la mort et l’insupportable solitude viennent à poindre, en guise de dernière réalité palpable après la fin du réel, tout au bout d’une jeunesse sans consistance qui feignait hier encore de se croire éternelle. Car oui, le mou-salaud vieillit mal. Chez lui, pas de sagesse ni de rédemption possible – comme les montres de Salvador Dalí, il ne peut manquer de s’amollir avec le temps qui ne passe plus. Et le voilà alors toujours, toujours plus salaud… La véritable partouze du moment, vous l’aurez compris, dans notre monde voué à l’éphémère permanent, c’est de regarder « Bref » saison 2 et de communier avec l’Esprit de Kyan Khojandi derrière son écran.

Bref, si cette drôle d’entité géographique que l’on continue d’appeler la France doit un jour ressusciter d’entre les mortes nations, il faudra avant toute chose que tous les Kyan Khojandi périssent sans plus tarder… Au moins – par pitié, si possible ! – avant la saison 3 !

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