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Blanche Gardin contre les bouffons

Blanche Gardin contre les bouffons

Depuis son sketch sur Gaza, l’humoriste Blanche Gardin affronte menaces et intimidations. Dans un récent entretien à « Arrêt sur images », elle raconte la mise à mort de sa carrière d’actrice. À l’heure de la disparition du second degré, cette gauchiste qui se moque de la gauche rit de ses propres travers. C’est toute la différence entre le génie du clown et la morgue du bouffon.

Ils sont partout… ces antisémites. L’engrenage obéit à une mécanique bien huilée : un sketch méchamment critique d’Israël entraîne une bronca contre son auteur, les appels à la violence et à la censure pullulent au nom du Bien et, pour peu que le premier concerné y mette du sien, il finit grillé sur le bûcher du métier.

Le second degré n’est plus de saison

La dernière à s’y être brûlé les ailes se nomme Blanche Gardin. Il faut dire que le contexte n’aide pas. Depuis le 7 octobre 2023, le feu n’a même plus besoin d’huile pour devenir grégeois : en fonction des affinités de chacun, la compassion se révèle le plus souvent unilatérale, comme s’il était impossible de pleurer à la fois les victimes israéliennes de la razzia du Hamas et les civils gazaouis broyés par les représailles de Tsahal.

Résumons le cas Gardin. En juillet 2024, à la soirée caritative « Voices of Gaza », le meilleur élément jamais sorti du Jamel Comedy Club a joué avec de la nitroglycérine. Sans doute a-t-elle péché par orgueil, se pensant intouchable car antiraciste et issue de la gauche la plus radicale. Grossière erreur : le second degré n’est plus de saison. 

Les premiers mots de son sketch joué en duo avec Aymeric Lompret méritent le pilori sans sommation : « Je m’appelle Blanche. Eh ben… depuis le 7 octobre, je suis antisémite. Ça m’a rendu vachement triste d’apprendre que je suis… parce que je viens d’une famille de gauche ». Et Lompret de rétorquer tout sourire : « Ici, on est tous antisémites » avant de faire applaudir Jordan Bardella comme exemple d’antisémite repenti. Cette vanne dégoulinante de conformisme n’immunise en aucun cas ses auteurs. Sur X et les autres latrines du net, leurs adversaires ne s’embarrassent pas de nuances : sus aux antisémites, lâchez les chiens…

 « Comment ça va ? En un mot, bien. En deux mots, pas bien… »

Quelques mois plus tard, Blanche Gardin compte les plaies sur sa peau : menaces, intimidations, zéro rôle au cinéma, l’ex-chouchoute du rire intelligent boit la tasse. Non sans élégance, elle évoque sa dépression en citant une blague juive : « Comment ça va ? En un mot, bien. En deux mots, pas bien… »

Sa traversée du désert continue, comme le confirme le récent entretien que Blanche Gardin a accordé sur le site d’« Arrêt sur images », antre du mandarin Daniel Schneidermann, autre critique d’Israël peu suspect d’antisémitisme. L’échange vaut largement son pesant de croupion grillé. Non pas tant pour les références intellectuelles que Gardin enfile comme des perles : décolonialisme, dénonciation du « fascisme » technologique, confidences sur le « génocide » qu’Israël aurait commis à Gaza (une accusation outrancière qui cache de réels crimes de guerre…) et autres citations de l’inepte Lagasnerie…

La discussion entre Schneidermann et Gardin atteint des sommets d’intelligence lorsqu’il est question du sujet que la seconde maîtrise mieux que personne : le rire. En quelques mots, Gardin explique l’apparente contradiction entre sa vie et son œuvre : comment cette femme d’extrême gauche peut-elle si bien rire de #MeToo, moquer le féminisme victimaire et la religion antiraciste sans renier ses convictions ? La réponse va de soi : Blanche Gardin se définit comme un clown qui rit de ses propres travers, soit l’antithèse du militant crucifiant ses ennemis sur tréteaux. Cette dernière catégorie constitue l’engeance des bouffons. France Inter en regorge. On pourrait citer comme bouffon paroxystique la comique-pas-drôle que Gardin étrille dans l’entretien et qui prêche désormais dans Le Point. Mais inutile de polémiquer. Les chantres du Bien aiment appeler les flics, c’est même pour ça qu’ils postent des lettres de cachet.

Les malheurs de Blanche

Certes, on ne fera pas pleurer dans les chaumières en détaillant les malheurs de B.G. : un appartement à crédit qu’elle ne peut plus payer, une relégation en Seine-et-Marne, un rôle promis par une vedette du cinéma d’auteur qui lui échappe du jour au lendemain… D’aucuns estimeront que Gardin a joué avec le show-biz et perdu. Par les temps qui courent, il se trouvera même quelques droitards inconsciemment wokistes pour applaudir au bannissement d’une gauchiste.

Pour finir sur une note légère, laissons le dernier mot au regretté Roland Jaccard. Avec son esprit viennois si subtil, ce grand nihiliste aimait raconter une blague juive de l’entre-deux-guerres. Deux vieux Viennois devisent entre eux. L’un demande à l’autre : Qu’est-ce que tu préfères, un antisémite ou un philosémite ? » Réponse du second : « L’antisémite. Lui au moins est sincère ! » [1]

© Photo : Facebook Blanche Gardin

[1] Comme jadis les séries AB Productions (Hélène et les garçons, Le miel et les abeilles, La philo selon Patrick…) faisaient fuser les rires enregistrés, mieux vaut aujourd’hui signaler l’ironie. Hissons donc ici la pancarte du dixième degré !

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