Benoît Duteurtre (1960-2024), l’anti-bobo
Il y avait chez lui un peu de la patte d’un Marcel Aymé, aussi discret que son modèle. C’est ainsi du reste qu’il nous a quittés, hier, en toute discrétion, à l’âge de 64 ans. Romancier attachant, polémiste redouté et producteur de radio heureux, il croquait les travers de l’époque sans prendre de grands airs, avec une précision d’entomologiste placide. Critique musical, son oreille captait tout ce qui sonnait faux, le toc, les tics, les trucs à la mode : le Paris cultureux, la gauche bobo, l’avant-garde musicale et les lobbys gays… Rien ne pouvait lui faire plus horreur que la défiguration « sa » ville à l’occasion des Jeux olympiques. Nous l’avions d’ailleurs interrogé lors de la sortie de son pamphlet « Les dents de la maire » (2020), une charge bien sentie contre Anne Hidalgo. Elle ne prenait pas alors de bain de pied dans la Seine, elle se contentait de couler Paris. Jamais la devise de la capitale n’a été aussi problématique : « Fluctuat nec mergitur ». Benoît Duteurtre, lui aussi, était battu par les flots, mais son œuvre n’est pas près de sombrer.