Ah, l’Espagne ! Coincée entre la Reconquista et les conquistadors, elle a poussé sa colère jusqu’au bout du monde, comme Aguirre. Elle est moins européenne que russe, a dit Michel del Castillo, espagnol de naissance. Pour un libéral comme Ortega y Gasset, combien de Miguel de Unamuno et de Don Quichotte a-t-elle produits ? L’Espagne déraisonne toujours un peu ; chez elle, la raison est portée à ébullition ; elle a des visions ; elle ne réfléchit pas – elle respire, elle aspire, elle expire. À la fois incarnée et décharnée, « trop catholique pour être vraiment chrétienne » (Castillo, encore lui), elle a longtemps fabriqué des matadors et des ecclésiastiques à la chaîne, hésitant entre le culte de Mithra et celui de Torquemada. Il y a quelque chose d’amer en elle, l’amer des agrumes et de l’amertume. Bien sûr, cette Espagne est morte – en dormition, dirait Dominique Venner –, pétrifiée derrière les murs de l’Escurial. C’est un songe aussi lointain que celui de Calderón. La « Movida » est passée par là, comme un film de Pedro Almodóvar. S’il y a un Espagnol qui en a conscience, c’est bien Javier Portella. Journaliste, essayiste, romancier et éditeur, correspondant d’« Éléments » au pays de José Antonio Primo de Rivera, il publie aux éditions de la Nouvelle Librairie N’y a-t-il qu’un dieu pour nous sauver ? Nous sommes allés à sa rencontre.