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Affaire Sarkozy : un nouveau coup d’état des juges ?

Affaire Sarkozy : un nouveau coup d’état des juges ?

La possible et prochaine incarcération de Nicolas Sarkozy fait figure de cataclysme politique. Quoiqu’on puisse penser de l’ancien Président, un fait demeure : cette condamnation défie l’entendement. Et, surtout, pose cette question : jusqu’où ira l’actuelle dictature judiciaire ?

Tout le monde connaît la phrase de François Mitterrand : « Méfiez-vous des juges. Ils ont eu la peau de la monarchie, ils auront celle de la république. » Avec la condamnation de Nicolas Sarkozy, nous y sommes. Un dossier quasiment vide, seulement fondé sur un document de Mediapart, dont même les magistrats doutent de l’authenticité. Une juge notoirement hostile à l’ancien Président et qui pourrait bien le faire incarcérer pour cinq ans, au motif plus que flou « d’association de malfaiteurs ». Soit un concept créé pour le grand banditisme ; il s’agissait d’attraper aussi les lampistes et pas que les donneurs d’ordres. Aujourd’hui, ce dernier est encore utilisé pour lutter contre le terrorisme, permettant ainsi d’envoyer en prison des personnes pour un crime qu’elles n’ont pas encore commis, mais qu’elles s’apprêtaient à perpétrer. Le concept, consistant à punir un crime n’ayant pas encore été commis peut paraître incongru, mais il faut parfois tordre le cou à la loi afin de faire respecter l’ordre publi.

Inutile de préciser que Nicolas Sarkozy ne relève pas de ces deux cas de figure. On le voit mal se réfugier en Uruguay, tel un Jacques Médecin, maire de Nice, au siècle dernier, pas plus en train de monter on ne sait quelle carambouille délictueuse, juste histoire d’assurer ses vieux jours. Une grande partie du personnel politique ne s’y est d’ailleurs pas trompée, au même titre qu’une majorité de Français ordinaires : il s’agit bel et bien là d’un procès politique.

L’un des plus capés en la matière n’est autre qu’Éric Zemmour, déjà auteur, en 1997 d’un essai au titre prémonitoire, Le Coup d’État des Juges (Grasset). À l’époque, il assurait à France 2 : « Les juges, au nom de leur idéologie, ne respectent pas le suffrage universel et, au contraire, veulent se mettre à la place du suffrage universel. »

L’État de droit contre les droits de l’État ?

Et d’affirmer plus tard, lors de l’émission 4 vérités : « Quand les préfets parlaient République, suffrage universel, respect de la loi, les juges parlaient droits de l’homme, État de droit. Mais l’état de droit sans les droits de l’État, ce n’est plus la démocratie. En tout cas, ce n’est pas la République. »

Marine Le Pen n’est évidemment pas en reste, tant le souvenir de cette justice toute particulière doit lui rester cuisant, elle aussi ayant été condamnée à quatre ans de prison avec exécution provisoire, ce qui lui interdit, de fait, de continuer sa carrière politique : « Au-delà de la personne de l’ancien Président, Nicolas Sarkozy, la voie de la généralisation de l’exécution provisoire par certaines juridictions, représente un grand danger. »

Et Gérard Larcher d’entrer dans la danse…

Même son de cloche chez les députés du Rassemblement national. Philippe Ballard : « Nicolas Sarkozy, on l’a combattu politiquement, mais on peut se demander où est la présomption d’innocence. Il y a une dérive inquiétante, ce jour. » Et Frédéric Falcon, lui aussi député RN, d’ajouter : « La justice a saboté la campagne de François Fillon en 2017, veut interférer dans celle de 2027 en empêchant Marine Le Pen, et se venge de Nicolas Sarkozy en le mettant en prison. Tout ç amis bout à bout, ça fait beaucoup. » Gérard Larcher, président du Sénat, ne dit fondamentalement pas autre chose : « Je partage le questionnement grandissant au sein de la société sur l’exécution provisoire d’une condamnation alors que les voies de recours ne sont pas épuisées. »

Les vérités de Karine Le Marchand…

Le malaise est si évident que même le showbiz se mêle de la partie, d’où la sortie tonitruante de Karine Le Marchand, la présentatrice de L’Amour est dans le pré et d’Une ambition intime : « On vient de dire qu’il n’avait pas eu d’enrichissement personnel. On vient de démontrer que l’article de départ de Mediapart était faux. Que l’enquête est donc partie d’un faux. Et on condamne Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison, alors qu’on a des jeunes qui tabassent un policier et qui sont relâchés, que des mecs sous OQTF sont condamnés jusqu’à onze fois et qui agressent des femmes et qui sont relâchés. (…) Je ne comprends pas cette justice. » Les arguments ont beau être un brin bourrins, ils méritent au moins d’être entendus.

Au fait, qu’en dit le principal intéressé ? Dans un long entretien accordé au Journal du dimanche, ce 28 septembre, il note, non sans raison : « Je maintiens depuis douze ans que le document publié par Mediapart est un faux. La procédure judiciaire a débuté sur la foi de ce document. Or, que conclut le tribunal correctionnel de Paris ? Que “le plus probable et que ce document de Mediapart soit un faux.” Or, s’il y a un faux, c’est qu’il y a eu des faussaires, des manipulateurs, et donc un complot. Dans un monde normal, c’est l’ensemble de l’accusation qui aurait dû s’écrouler. Or, le tribunal a fait exactement le contraire. »

Faire confiance à la justice de son pays ?

Jadis, on prêtait cette phrase à Charles Pasqua : « Un con en politique, ça se reconnaît au premier coup d’œil. C’est celui qui assure faire confiance à la justice de son pays». En des termes moins guillerets, Alain de Benoist résumait tout dans Éléments, en juin 2019, dans un long article consacré à cette « tyrannie des juges » : « Il n’est pas “dans la tradition française, déclarait Michel Debré, de donner à la justice, c’est-à-dire à chaque justiciable, le droit d’examiner la valeur de la loi”. À ceux qui lui citaient l’exemple américain, le général de Gaulle répondait de façon encore plus directe : “En France, la Cour suprême, c’est le peuple !” » Pis, au-dessus des caprices des juges, plus ou moins neutres, plus ou moins objectifs, dont Régis Debray disait qu’ils « ne sont plus serviteurs de la loi, mais prescripteurs de normes », il y a encore le Conseil constitutionnel, l’instance suprême, dont l’autorité semble plus empressée à museler le peuple qu’à le tenir pour souverain. Alain de Benoist, toujours : « Pour ne prendre que cet exemple, une assemblée parlementaire qui déciderait aujourd’hui de mettre un terme à l’immigration serait immédiatement condamnée par les juges pour atteinte aux droits de l’homme, et serait, de ce fait, contrainte d’y renoncer. »

Tout est dit. Mais quel dommage qu’un Nicolas Sarkozy n’y ait pas songé avant, quand il avait le pouvoir de faire plier celui de ces juges se prenant désormais pour des justiciers.

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