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À la rencontre des Kalashs, dernier peuple païen du Pakistan

Si la disparition de la biodiversité animale et végétale est régulièrement évoquée dans les médias et préoccupe les milieux écologistes militants, l’uniformisation humaine de la planète et la disparition progressive de nombreux peuples indigènes dans le grand magma mondialisé est un sujet qui ne semble pas passionner nos grandes consciences auto-proclamées. Jean-Eudes Gannat, lui, en militant identitaire cohérent, soucieux de la diversité ethno-culturelle, est parti à la découverte d’un peuple menacé, les Kalashs, derniers polythéistes du Pakistan. Nous l’avons interrogé sur cette expérience afin de prolonger le témoignage qu’il en a donné dans le dernier numéro d’Éléments, actuellement en kiosques.

ÉLÉMENTS. Comment vous est venue l’idée de ce voyage ? Que connaissiez-vous de ce peuple avant votre départ ?

JEAN-EUDES GANNAT : Pour être franc, ce voyage n’aurait pas eu lieu si Xavier Maire, directeur général d’Urgence Humanitaire, n’avait pas insisté pour que nous y allions. Lui-même devait se rendre auprès de communautés chrétiennes sur place, et il désirait en profiter pour rencontrer les Kalash, dont nous avions déjà parlé auparavant. Je savais d’eux les quelques généralités que l’on trouve sur internet : « un peuple indo européen et païen subsiste encore dans les montagnes du Pakistan ». Nous avons convenu d’aller les voir, d’étudier leurs éventuels besoins, et d’écrire un reportage.

ÉLÉMENTS.  Un tel voyage est-il compliqué à organiser, à réaliser ? Aviez-vous des contacts sur place ?

JEAN-EUDES GANNAT : Heureusement, nous avions des connaissances, d’une organisation humanitaire amie, qui s’étaient déjà rendues au Pakistan et ont pu nous mettre en relation avec un « fixeur ». Celui-ci nous a aidé pour l’obtention des visas et d’un guide sur place. Il faut savoir qu’une fois à Lahore, il y avait deux jours de voiture, par des routes de plus en plus escarpées, aboutissant à des chemins à flanc de ravin sur lesquels deux voitures ne peuvent se croiser : sans contact sur place, un tel voyage est impossible. Il est d’ailleurs potentiellement risqué si un minimum de précautions ne sont pas prises : d’après les autorités locales, un enlèvement par des islamistes ou des malfrats est susceptible d’arriver aux touristes étrangers, occidentaux en particulier. Pour autant le tourisme au Pakistan existe et nous nous sommes sentis partout bien accueillis et en sécurité.

ÉLÉMENTS. Quel était le profil des autres « voyageurs » ou touristes que vous avez croisé sur place ?

JEAN-EUDES GANNAT : De riches Chinois – le Pakistan a une frontière avec la Chine – venus assister au « festival » (solstice), quelques Indiens ou Pakistanais, et une poignée d’Européens (une Russe, une Italienne, et deux autres Français). Les Français étaient le profil type du backpacker : à la fois ridicule si on les observe sur des critères politiques, avec leur volonté farouche d’assimiler et d’aimer sans condition une culture qui n’est pas la leur alors qu’on ne les sentait guère préoccupés par les traditions de leur propre pays, et en même temps touchants, sympathiques, curieux. Et courageux : car la Française (vivant en Suisse) comme le Français étaient venus séparément en vélo depuis l’Europe. Ils se sont rencontrés chez les Kalashs et s’étaient liés d’amitié par hasard, après six mois à pédaler dans la même direction et à ne dormir que dehors, en pleine nature, ou chez l’habitant.

ÉLÉMENTS. Qu’est-ce qui vous a plus le plus marqué, surpris ou choqué au cours de votre séjour ?

JEAN-EUDES GANNAT : La beauté des paysages et le sens de l’accueil des gens ont été les points positifs de ce séjour, ainsi que la qualité et la variété de la nourriture : voilà pour le côté purement touristique. D’un point de vue moins trivial, ce qui m’a le plus choqué est une briqueterie dans laquelle travaillaient des chrétiens réduits en esclavage et vivant dans des conditions absolument inhumaines. J’ai visité de nombreux bidonvilles ou pays en guerre, mais ce lieu est l’un des plus sordides qu’il m’ait été donné de voir. L’image en particulier d’un adolescent lourdement handicapé, laissé au soleil, des mouches plein la bouche, tandis que sa famille vaquait à ses occupations, me restera collée à la rétine pour longtemps. Comme une illustration parfaite du fatalisme propre à ces pays surpeuplés et pauvres, où les miséreux semblent être voués à crever la gueule ouverte.

ÉLÉMENTS.  Dans votre reportage publié dans le nouveau numéro de la revue Éléments, vous soulignez le risque de «folklorisation » de ce peuple dont les villages tendent à se transformer en « club med » pour touristes. Cette tendance vous parait-elle très avancée, irrémédiable ?

JEAN-EUDES GANNAT : À partir du moment où ce peuple a perdu son essence économique et culturelle – les pâturages – il est condamné à entretenir une identité plus ou moins artificielle. Reste à voir si à côté du tourisme, il parviendra à développer suffisamment son artisanat et une agriculture traditionnelle lui conservant un lien avec ses origines. Ce n’est pas gagné, mais le pire n’est pas toujours certain. Sinon, nous ne lutterions pas dans nos pays pour maintenir chez nous une civilisation qui semble elle aussi condamnée à vue humaine.

Photos : © Xavier

Pour en savoir plus : Voyage chez les Kalashs, derniers polythéistes du Pakistan, par Jean-Eude Gannat. éléments n°214

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Actuellement en kiosque – N°214 juin – juillet 2025

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